Femme actuelle
La Roux La Roux (2009, Universal)
Contrairement à ce que pourraient laisser accroire son nom et la mise en avant systématique de la très in et stylée Elly Jackson, La Roux est un duo associant une jeune Anglaise nourrie de musique folk et de rock jusqu’à l’adolescence avant d’être tentée par les démons de l’électro à 16 ans et un producteur / claviériste chevronné du nom de Ben Langmaid, déjà aperçu aux manettes d’un certain nombre de projets au sein de la scène électro britannique. Si j’ai quelque peu l’impression qu’on a autant parlé de la forte personnalité de sa figure de proue et de son look androgyne que de ses chansons, je n’aborderai pour ma part que l’aspect musical du travail du duo, les considérations fashion ayant tendance à me laisser froid – et tant pis pour mon manque de fun…
J’avoue avoir d’abord éprouvé une certaine perplexité à la première écoute de ces douze titres électro-pop affichant franchement des influences issues tout droit de la scène synthé-pop des années 1980 (Eurythmics, Tears for Fears…) qu’un puriste de l’indie-rock ne saurait mentionner sans attraper de l’urticaire. Sans aller jusqu’à l’anathème, on pourrait ne voir en La Roux qu’une vague resucée de sonorités éculées remises sur le devant de la scène par la grâce des sinuosités de la hype. On aurait certainement en partie raison mais on passerait à côté d’autre chose et on se priverait du plaisir acidulé procuré par cette poignée de chansons bagarreuses. Sans bouleverser l’ordre musical ni prétendre à être autre chose qu’un disque pop, cet album se révèle attachant par bien des aspects. Difficile en tous cas de passer sous silence le talent du duo pour les mélodies accrocheuses, qui s’incrustent durablement dans les cerveaux et se laissent fredonner sans honte, du belliqueux Bulletproof au formidable I’m not your toy.
Si le groupe pioche allègrement dans les sonorités synthétiques des années 1980, il ne surligne jamais le trait mais tend plutôt vers un minimalisme de bon aloi qui permet de mieux rehausser la brillance de ses mélodies. Elly Jackson apporte ensuite à l’ensemble sa voix et ses textes directement inspirés d’une histoire amoureuse compliquée. Elle dote les morceaux du duo d’un caractère bien trempé, créant une réelle intimité avec l’auditeur très souvent touché par ses confessions balancées sans auto-apitoiement aucun. Armée d’une envie d’aimer et d’aller de l’avant « à l’épreuve des balles », Elly Jackson se balance sans filet dans l’existence, bien consciente des coups à prendre mais aussi du plaisir à recevoir parfois. Des morceaux comme In it for the kill ou Quicksand résonnent alors comme autant d’uppercuts distribués avec une conviction qui force la décision. La Roux sait aussi baisser la garde quelques fois notamment sur le superbe Cover my eyes, magnifique morceau d’amoureuse déçue qui trône au cœur du disque. Malgré quelques moments faibles, le disque s’écoute donc avec bonheur, confession d’une fille actuelle à la fois modeste et flamboyante. Un moment agréable et sans prétention…