Planète claire
Broadcast The noise made by people (2000, Warp)
Il leur en aura fallu du temps aux Anglais de Broadcast avant de faire (enfin) paraître leur premier album, le temps de passer outre un perfectionnisme exigeant et des tendances protectionnistes, cette volonté de tout maîtriser de leur expression musicale sans laisser un producteur à gros doigts venir saloper la belle tenue de leurs mélodies fragiles. C’est au tournant de ce millénaire que vit finalement le jour ce premier opus du groupe, dont les atours rétro-futuristes collaient au bout du compte assez bien avec les fantasmes ordinairement charriés par l’an 2000, de la voiture volante à la transmission de pensée.
Oh, the wind will come / Blow, answer echo’s answer
Echo’s answer
On savait depuis son remarquable Work and non work, compilation de leurs premiers singles et EP, que le groupe avait du talent à revendre. Il le confirme ici amplement avec ce disque que je redécouvre depuis quelques semaines. Broadcast creuse ici le sillon ouvert par ses premiers enregistrements, celui d’une musique en orbite quelque part entre la Terre et la lune. Le groupe combine un goût affirmé pour les grâces des mélodies pop sucrées à son appétence pour les expérimentations sonores. On ne s’étonnera pas de retrouver ainsi quelques grands avant-gardistes populaires dans la liste de ses influences, de Gainsbourg (qui exsude des pores de Dead the long year par exemple) à Ennio Morricone. Broadcast navigue avec un égal bonheur entre electronica gracile, bande-son imaginaire d’une intrigue de SF romantique et pop atmosphérique, exerçant un charme pareillement hypnotique sur l’auditeur transi. La voix de Trish Keenan, d’une blancheur troublante, ajoute encore aux séductions du combo.
You won’t find it by yourself / You’re gonna need some help / And you won’t fail withe me around / Come on let’s go
Come on let’s go
Malgré ses attraits, The noise made by people n’est pas un disque qui se dévoile facilement, et il faudra quelques écoutes pour révéler les richesses que ces chansons renferment, Broadcast aimant à tisser un arrière-plan foisonnant derrière ses morceaux. Par rapport à Work and non work, le groupe gagne en ampleur, conférant à ses chansons une épaisseur nouvelle. Il n’est qu’à écouter l’introductif et imposant Long was the yea“, qui met en branle au fur et à mesure qu’il se déploie une machinerie fascinante, pour s’en rendre compte. Parmi les hauts faits de l’album, on mentionnera la formidable pop giratoire de Come on let’s go ou les rondes saccadées de l’ombrageux Papercuts. Broadcast excelle toujours dans les ballades contemplatives, ces à-plats qu’il sait rendre poignants comme peu. On demeurera ainsi ébloui par le merveilleux Until then, inquiet et ténébreux comme un générique de film noir, le nébuleux Echo’s answer ou le mystérieux Unchanging window (dont je garde en mémoire la version ébouriffante jouée lors d’une Black session de France Inter à l’époque). J’avoue être moins convaincu par les interludes instrumentaux qui scandent l’album mais il serait vraiment ridicule de faire la fine bouche devant les beautés scintillantes de ce disque, planète claire qu’on ne se lasse pas d’explorer.
There’s a place I have never explored / Another world we have yet to conquer / And until then none of us have anything
Until then
Broadcast confirmera sa place singulière dans le paysage musical de ce début de siècle avec l’encore plus réussi Ha ha sound qui paraîtra en 2003. Mais c’est une autre histoire…
1 réponse
[…] Perfectionniste, Broadcast mettra trois ans avant de sortir son véritable premier album, The noise made by people (2000) dont je reparlerai bientôt. Ce sera ensuite le magnifique Ha ha sound en 2003, Tender […]