Les 400 coups
The Libertines S/T (2004, Rough Trade)
Après un premier album fracassant qui les propulsa tête de gondole d’un “retour du rock” battant alors son plein, les Libertines firent preuve d’une constance imposante à se conformer aux clichés les plus rebattus de la déglingue rock. Entre séjours en prison, bagarres, cambriolage de l’appartement de son compère Carl Barat et cures de désintoxication successives, Pete Doherty semblait s’évertuer à éprouver à lui seul tous les maléfices de la mythologie rock. On ne donnait alors pas cher de la peau du groupe et on pouvait craindre – outre pour la santé de Doherty – un deuxième album avorton, mort-né d’avoir subi dès sa conception les excès de ses géniteurs.
Que nenni ! Les Libertines réussissent l’exploit de relever d’un cran au moins le niveau déjà excellent de leur Up the bracket de 2002. The Libertines reprend peu ou prou les choses où les avait laissées le premier album du groupe, mélange excitant entre les fines fleurs de la pop et du punk anglais, quelque part entre les Clash (l’album est d’ailleurs produit par Mick Jones en personne) et les Smiths. La majorité des 14 titres du disque mêle ainsi prestesse mélodique et énergie brute, tout en faisant preuve d’une variété de style épatante. Doherty et Barat se révèlent ainsi aussi à l’aise sur la beauté lumineuse de Music when the light goes out qu’en balançant un pétard punk de mauvais garnement sur le survitaminé Arbeit macht frei.
La qualité du disque est encore avivée par ce qu’il semble saisir de la relation difficile entre les deux leaders du groupe, Barat et Doherty. Bon nombre des morceaux de The Libertines peut ainsi s’entendre comme la chronique d’une fin annoncée, celle d’une amitié ravagée par les excès, celle d’un rêve adolescent sali qu’on enterrerait sans tristesse, comme on l’aurait vécu. Et c’est bien ce qui rend si émouvants et si vibrants ces Can’t stand me now, ces What became of the likely lads ou ces Music when the light goes out.
A réécouter ce disque aujourd’hui, on s’aperçoit en tous cas que ces chansons relèvent la gageure de résister brillamment au temps qui passe, brillant d’un éclat intact à l’instar des classiques commis par les idoles du groupe. Et c’est bien au rang de classiques qu’on élèvera le fantastique Can’t stand me now introductif, The man who would be king ou les “shoop…shoop” beatlesien du formidable What Katie did.
Pete Doherty et Carl Barat poursuivent depuis leur chemin, séparément avec les Babyshambles puis en solo pour le premier, avec les Dirty Pretty Things puis aussi en solo pour le second. Les Libertines se sont reformés le temps de trois concerts à l’été 2010 mais aucune suite n’est attendue. Le groupe aura donc eu une vie brève mais intense, fidèle à son goût pour la mythologie rock.
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[…] découvert le groupe deux ans plus tard, à l’époque de leur génial deuxième (et ultime) album, je me suis rangé sans hésiter du côté de leurs admirateurs. Loin de n’être qu’un […]