Duo chic
Pete Yorn & Scarlett Johansson Break up (2009, Rhino)
Dans la catégorie “célébrons les mérites des disques mineurs”, attardons-nous ce soir un instant sur ce disque bancal et attachant, aux teintes estivales de bon aloi pour celles et ceux qui se languiraient des beaux jours.
Well, I sit every night and I wonder what I’m doin’ / I sleep everyday in your room / I sit every night wondering where it is I’m going / Cannot say what I do
Wear and tear
Après avoir passé sa jeunesse dans le New Jersey, Pete Yorn s’en va tenter sa chance en Californie à l’orée de ce siècle, s’essayant notamment à la composition de musique de films. Aidé par un carnet d’adresses familial bien rempli, le jeune homme touche assez vite le jackpot en parvenant à placer son single Strange condition sur la bande originale du film Fous d’Irène des frères Farrelly, parfaite rampe de lancement pour un premier album qui paraît courant 2001, musicforthemorningafter. S’il passe relativement inaperçu dans nos contrées – en tout cas sur mes radars -, le bonhomme trace sa route avec succès dans son pays natal, entre rock indé et compositions pour le cinéma. Ami avec Scarlett Johansson depuis l’enfance (son frère Rick étant alors l’agent de l’actrice depuis ses 12 ans), Pete Yorn entreprend en 2006 d’enregistrer avec elle une poignée de chansons sans prétention, les deux s’amusant à vouloir faire un disque évoquant les duos Gainsbourg/Bardot de la fin des années 1960. Cette collaboration restera finalement dans les cartons trois ans durant avant de publication, le temps pour Scarlett Johansson de poursuivre son ascension hollywoodienne : ce délai imprévu ne portera donc pas préjudice à l’accueil public de l’album, notamment en France.
Don’t make me do things you won’t do / Don’t blame me for your trouble
Search your heart
A première vue, cette collaboration entre jeunes gens de bon goût ne m’apparaissaient pas forcément très aguichante. Malgré ses talents d’actrice et la pertinence de sa filmographie, je n’avais pas été du tout convaincu par l’album sorti un an plus tôt par miss Johansson, ce Anywhere I lay my head constitué de reprises de Tom Waits, célébré par nombre de critiques mais qui pourtant m’ennuyait profondément. Il faut croire qu’une ambition plus modeste seyait mieux à la dame. Cette forme de récréation musicale entre complices de longue date exhale une fraîcheur estivale souvent roborative. On mentirait en criant au chef-d’œuvre mais ce disque, construit comme un disque de rupture amoureuse sans vraiment y ressembler, aligne quelques morceaux pop-rock fougueux et malins, sur lesquels les timbres de Yorn et Johansson se répondent avec malice et un plaisir communicatif.
I don’t want you coming here / No way, no way / I can’t have you staying here / No way, no way
I don’t know what to do
Yorn et sa célèbre comparse soignent leur entrée en scène, plaçant en ouverture un Relator mutin, bonbon au poivre sémillant au gimmick imparable. La première moitié du disque s’avère d’ailleurs très réussie dans ce registre pop-rock primesautier, aux mélodies bien troussées, fraîches et légèrement relevées d’un soupçon d’amertume qui ne vient cependant jamais gâcher l’arôme sucré de l’ensemble. Wear and tear se donne de faux-airs country avec son banjo qui folâtre. I don’t know what to do joue à merveille la carte de la romance pop sixties, les deux voix se répondant avec bonheur, harmonisant dans la joliesse. Meilleur titre de l’album, Search your heart amène un surplus de trouble dans les mélodies ligne claire tissées par Pete Yorn, et ce fond d’humeur maussade fait aussi le charme d’un titre comme Blackie’s dead. Notre sympathique duo baisse malheureusement de pied passés ces cinq premiers titres, se perdant dans une succession de ballades sans relief, allant même jusqu’à anesthésier le I am the cosmos de Chris Bell qui n’en demandait pas tant.
Here we are again enclosed / Wake me up, I’m ready to go / Oh, the sunset tonight
Shampoo
Outre de ses propres limites, le disque pâtira aux yeux de nombreux critiques de la comparaison avec un autre album beaucoup plus brillant réalisé par un songwriter et une actrice, le duo She & Him (Zooey Deschanel et M. Ward), paru quelques mois plus tôt. Au bout du compte, on pourra considérer cet album comme parfaitement dispensable et on aura raison. Rien de crucial dans cette musique si ce n’est le plaisir simple de deux amis, certes gâtés par la vie, de jouer et de chanter ensemble, de composer des chansons accrocheuses et plaisantes, suffisamment pour donner à siffloter à quelques milliers de personnes, et capables, au détour d’un refrain, d’un riff, d’une inflexion de voix ou d’une ligne mélodique, de nous soulever de terre un instant, même pas très haut. Ça semble peu mais souvent ça suffit.