Alarme fatale
Bloc Party Silent alarm (2005, V2)
Il est parfois bien difficile de mettre de côté la hype tapageuse créée autour de certains groupes. A force d’essayer tous les 36 du mois de nous faire prendre d’honnêtes songwriters pour d’impérissables génies, cette outrance laudatrice ne fait au final qu’exacerber notre méfiance et préparer le terrain à d’inévitables déceptions. Mes premières écoutes de ce premier album de Bloc Party furent ainsi à l’époque quelque peu parasitées par les dithyrambes excessives qui l’entouraient et ma réaction initiale pourrait se résumer à “Beaucoup de bruit pour pas grand chose”.
Alors que cet emballement initial n’est plus qu’une trace de souvenir et que ma lecture des gazettes pourvoyeuses de l’air du temps s’est bien raréfiée, la réécoute de ce Silent alarm permet de lui accorder une attention nouvelle, laissant saillir plus sereinement ses qualités et ses limites.
Ce quatuor londonien formé autour du guitariste Russell Lissack et du charismatique Kele Okereke livre ici un disque de rock brûlant et anguleux, nourri d’influences haut de gamme, de Cure à Sonic Youth en passant par quelques fines lames du post-punk comme Gang of Four ou Magazine. Portées par la voix blanche de son leader, les compositions de Bloc Party produisent un détonnant élixir post-punk joué à fleur de nerfs. Se dégagent de ces morceaux une urgence imposante, une rage énergique et farouche qui font décoller l’album en de nombreux endroits. Soutenue par une production en béton, cette musique peut aussi compter sur une section rythmique brillante, qui multiplie chausse-trapes et saccades pour insuffler à l’ensemble une pulsation unique. Une production en béton vient sous-tendre le tout pour faire plier l’auditeur devant les uppercuts assénés par Okereke et sa bande.
Bloc Party a l’intelligence de dégainer ses meilleures cartouches en début d’album, plaçant là un quatuor explosif apte à faire céder toutes les défenses. De l’introductif et tendu Like eating glass au furieux et inquiet Banquet en passant par le vindicatif Helicopter, violente charge anti-Bush, et le remarquable Positive tension qui unit les énergies de Sonic Youth et The Rapture en un mariage électrique, Silent alarm distribue d’emblée coups de tête et coups de griffe, Okereke affûtant son mal-être au fil des riffs acérés de la guitare de Lissack. La voix nouée du chanteur semble vouloir expurger la colère accumulée et la musique du groupe en constitue un excellent vecteur. Dommage que la deuxième partie du disque ne tienne pas forcément toutes les promesses esquissées par ce début en fanfare (les plus communs She’s hearing voices ou This modern love). Bloc Party parvient néanmoins à aligner quelques morceaux de choix, d’un Pioneers au lyrisme épineux aux impressionnantes figures de Luno. Le disque se conclut par un Compliments crépusculaire et superbe, sombre cortège raccompagnant l’auditeur vers la sortie de l’album.
Bloc Party remporta un vif succès avec ce premier opus, qui mérite que l’on s’y attarde pour toutes les bonnes raisons évoquées plus haut. S’il n’atteint pas les altitudes de ses modèles (Joy Division, les Pixies…), il n’en demeure pas moins un bon disque de rock, urgent et vibrant. J’avoue ne pas avoir écouté les albums successifs publiés par le groupe depuis, A weekend in the city en 2007 et Intimacy en 2008. Alors que Kele Okereke et Russell Lissack se sont lancés chacun dans des aventures solo en 2010 et qu’on pouvait craindre (enfin, façon de parler) la fin du groupe, un nouvel album serait en préparation pour 2012.
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[…] ne pas avoir exploré la discographie de Bloc Party plus avant que leur initial Silent alarm de 2005. L’écoute de cet impressionnant extrait de leur troisième opus pourrait bien […]