A cœur ouvert
Fyfe Dangerfield Fly yellow moon (2010, Wrasse Records / Naive)
Mon premier contact avec Fyfe Dangerfield remonte à l’écoute du formidable Trains to Brazil, morceau phare de l’EP From the cliffs qui lançait en 2006 la carrière de son groupe, les Guillemots. Avec ce titre de pop aérien et enfiévré, Dangerfield et sa bande cosmopolite (une Canadienne, un Brésilien et un Écossais) semaient de belles promesses, d’autant qu’ils alignaient dans le même mouvement une autre chanson haut de gamme avec le somptueux Made up lovesong #43. Le reste de l’EP n’était malheureusement pas à la hauteur et le premier album des Guillemots, Through the windowpane (2006) allait s’avérer plutôt décevant. La sortie du deuxième album du groupe, Red, en 2008, passera à mes yeux totalement inaperçue.
En marge de son groupe, et en partie pour chanter la joie d’un nouvel amour, Fyfe Dangerfield entreprit de composer un disque en solo. Et voici donc ce Fly yellow moon qui vient concrétiser quelques années après les espoirs fondés sur une paire de chansons remarquables. Avec cet album souvent brillant, parfois bouleversant, toujours touchant, Dangerfield prend le risque d’une sincérité à fleur de cœur qui en ferait sombrer plus d’un dans un ridicule achevé. Portées par la grâce d’une voix emplie d’une sensibilité pleine de fièvre, ces chansons rappellent que l’amour se conjugue plus volontiers en bousculantes bourrasques qu’en béatitude mièvre. Sur les meilleurs titres de l’album, Dangerfield relève la gageure d’exprimer son bonheur sans paraître d’une insigne débilité et quand il chante “I can’t help it if I’m happy” sur l’introductif When you walk in the room, sa joie nous soulève avec lui.
En bon fils du vent, Dangerfield gonfle d’un formidable souffle lyrique les meilleurs titres de son disque. So brand new évolue ainsi sur coussin d’air avec une grâce d’équilibriste et la tendre houle de High on the tide nous transporte et nous chavire. Avec Barricades, Dangerfield offre une ballade au piano lumineuse jouée à cœur ouvert, d’une intimité bouleversante. On retrouve ces yeux gonflés et ce romantisme intense sur l’extraordinaire Let’s start again, morceau proprement combustible qui fait sauter un à un toutes ses coutures et nous laisse la gorge nouée et l’âme décoiffée. A évoluer ainsi sur le fil de sentiments grands comme la vie, Dangerfield finit par ramasser quelques gamelles et commet quelques impairs moins digestes comme le (trop) épique Faster than the setting sun ou l’exubérant She needs me. Quelques ballades toutes de retenue apportent heureusement un contrepoint bienvenu comme ce Awake, asleep tout de beauté nocturne ou cette épatante relecture d’un titre de Billy Joel (et oui…) She’s always a woman to me.
Beaucoup de compliments au final pour un album pourtant loin d’être parfait mais diablement vivant : à ce point, ce n’est pas si fréquent. On attendra maintenant avec davantage d’impatience le troisième album des Guillemots.
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