Le petit arpent du bon Dieu
Grant Lee Buffalo Mighty Joe Moon (1994, Slash Records)
Un an à peine après la réussite de Fuzzy, premier album dont il fut question dans ces colonnes il y a peu, le trio californien conduit par le bouillant Grant Lee Phillips récidivait avec cet excellent (lui aussi) Mighty Joe Moon.
Grant Lee Buffalo reprend peu ou prou les choses où il les avait laissées avec son premier opus. Le groupe ne change rien à sa formule ou si peu mais trouve le moyen de ne pas céder à la redite, creusant son sillon avec opiniâtreté et talent dans les terres fertiles du folk-rock américain. En cultivant d’arrache-pied ce périmètre d’apparence restreint, il confirme surtout l’inépuisable richesse de ce territoire et réussit à tirer d’abondantes récoltes de son petit arpent.
A la manière de Neil Young, Grant Lee Buffalo alterne coups de sang électriques (Lone star song, Sing along) et rémissions acoustiques (Happiness, It’s the life). L’originalité du trio se retrouve dans ces relents glam-pop qui viennent parfumer certains morceaux, l’influence bowienne pouvant s’entendre ici ou là. Un morceau comme Mighty Joe Moon aurait ainsi très bien pu figurer dans les chutes de l’intouchable Hunky Dory du grand David. Le groupe sait aussi relever sa recette d’ajouts inspirés comme le violoncelle qui vient zébrer le superbe Mockingbirds et le chant tantôt rageur, tantôt cristallin de Grant Lee Phillips rehausse l’ensemble d’une touche de lyrisme fervent. Grant Lee Buffalo se fait ainsi aérien sur le gracieux Honey don’t think puis Phillips balance ici ou là quelques coups de griffes sur l’état de son pays, le vibrant Lone star song évoquant avec fureur le massacre de Waco. On soulignera d’ailleurs le talent de parolier de Grant Lee Phillips, entre un texte à dimension sociale comme Demon called deception ou l’adaptation onirique et orageuse du mythe de Lady Godiva sur le formidable Lady Godiva and me.
Mighty Joe Moon ne rééditera pas commercialement le coup réussi avec son prédécesseur, porté par l’inattendu succès du single Fuzzy. Le groupe continuera cependant de tracer sa voie, solide et magnifique avec le toujours très bon Copperopolis en 1996. Un quatrième album suivra avant le split à la fin du siècle dernier.
2 réponses
[…] ailleurs dans le monde. Grant Lee Buffalo produira encore trois albums par la suite : Mighty Joe Moon (1994), Copperopolis (1996) et Jubilee (1998). On reviendra rapidement sur au moins les deux […]
[…] opus du trio californien, successeur éminent de deux premiers essais remarquables, Fuzzy et Mighty Joe moon. La raison principale de cet intervalle conséquent tient sans doute à l’adage (de mon cru) […]