Le guide des prénoms féminins : J comme…
Les prénoms offrent l’avantage de fournir une inépuisable source de playlists. Permettez-moi d’en profiter à l’occasion. Il s’agira aujourd’hui de mettre à l’honneur dix prénoms féminins glorifiés par autant de chansons plus que recommandables. La bataille a fait rage entre les prétendants, d’autant que la règle prévoyait qu’à un prénom ne pouvait être associé qu’une seule chanson. Libre à vous de compléter de votre côté et de dresser vos listes parallèles.
1. Bob Dylan Visions of Johanna (sur Blonde on blonde, 1966)
Il m’aurait semblé impensable de ne pas faire figurer ici les 7’34 de ce morceau monumental, sommet (parmi d’autres) d’un disque himalayesque. Une instrumentation fleuve (cette basse ! ces nappes de claviers !) porte l’esquif glorieux du verbe dylanien, dont la prosodie hallucinée déverse un torrent d’images grandioses et énigmatiques. De ces “ladies play[ing] blindman’s bluff with the key chain” à ces “jewels and binoculars hang[ing] from the head of the mule”, nombre d’exégètes ont tenté de percer les secrets de ce morceau épique sans parvenir à en briser le charme. On continuera donc d’en admirer à chaque écoute les beautés lumineuses et les recoins mystérieux.
2. The Velvet Underground Sweet Jane (Loaded, 1970)
On poursuivra cette playlist avec cet autre classique absolu, encore un cran au-dessus du chef-d’œuvre dylanien d’ouverture. On retrouve ici la grâce maligne d’un Lou Reed au sommet de son songwriting, et qui entend célébrer la déréliction de son groupe en s’amusant à enquiller les tubes sur un disque qui en était réellement “chargé” (“loaded”). Parmi ceux-ci brille donc la grâce absolue de Sweet Jane, chanson parfaite de bout en bout qu’on emporterait sur son île déserte et dont on chérit notamment l’incipit étincelant, qui vous rend sûr que la beauté existe en un peu moins de 20 secondes.
3. Les Innocents Jodie (1987)
On n’ira pas prétendre que la petite Jodie serait du calibre des deux monuments évoqués ci-dessus. Elle n’en demeure pas moins un exemple de pop française de belle tenue comme en donnèrent les Innocents au fil d’une carrière digne et parsemée de jolies gemmes. Elle demeure aussi pour moi une madeleine émouvante, sans doute le seul 45 tours de mes 12 ans que j’écoute encore avec plaisir et dont le mélange de romantisme adolescent et d’humilité résonne encore 25 ans après.
4. Belle & Sebastian Judy and the dream of horses (If you’re feeling sinister, 1996)
Parce que ce disque nous a longtemps tenu le bras et réchauffé le cœur quand dans nos vies il faisait froid. Parce que nous aussi on aurait alors pu écrire des choses comme “Judy I don’t know you if you’re gonna show me everything”. Et aussi pour cette envolée de trompettes qui nous faisait découvrir Love par anticipation, avant même d’avoir mis l’oreille sur Forever changes. Pour toutes ces raisons et pour cette grâce tremblante, on continuera de recommander Judy aux gens qui nous sont chers.
5. The Coral Jacqueline (Roots and echoes, 2007)
Depuis dix ans, le groupe de James Skelly aligne les beautés rares avec une aisance confondante et une discrétion qui l’écarte d’une reconnaissance publique qu’il mériterait plus large. Il suffit pourtant d’écouter ce miraculeux Jacqueline pour en tomber aussitôt amoureux à la voir croiser aux altitudes célestes jadis fréquentées par d’illustres aïeux, des Byrds à Love.
6. Alain Bashung Osez Joséphine (Osez Joséphine, 1991)
A l’instar de milliers de Français à l’époque, en partie hypnotisés par un clip sensuel et insondable, on se laisse nous aussi porter par cette fascinante cavalcade dans un Ouest américain fantasmé. Des traits de guitare électrique viennent zébrer le tempo donné par une guitare acoustique, tandis qu’une section de cordes accompagne d’un souffle saccadé le texte obscur et séduisant de l’immense Bashung, qui s’offrait pour le coup un retour fracassant sur le devant de la scène.
7. Hole Jennifer’s body (Live through this, 1994)
Trop nombreux sont ceux qui s’intéressent à Courtney Love pour de mauvaises raisons (la Yoko Ono de Nirvana, les drogues, les frasques, etc.) et Dieu sait que beaucoup ne lui pardonne rien. Miss Love s’est pourtant révélée à plusieurs reprises une excellente songwriteuse, comme le démontre cet impeccable morceau extrait du non moins remarquable Live through this, et sur lequel Hole fait chanter Patti Smith sur les cendres du grunge, la rage au cœur et le cœur au bord des lèvres.
8. Bjork Joga (Homogenic, 1997)
Joga comme le surnom de la meilleure amie de Bjork. Joga comme ce titre époustouflant tiré du plus grand disque des quinze dernières années et dont les orchestrations risque-tout peignent des “emotional landscapes” escarpés, cabossés, où le feu et la glace se mêlent dans une unisson bouleversante. A tout jamais interdit aux tièdes…
9. Brian Wilson & Van Dyke Parks My Jeanine (Orange crate art, 1995)
Vingt-cinq ans après le naufrage Smile, Brian Wilson – le cerveau génial et dérangé des Beach Boys – et Van Dyke Parks se retrouvaient le temps d’un album hors du temps, oasis enchantée et enfantine à l’écart du tumulte du monde. Ce My Jeanine aux teintes de coucher de soleil sur une plage caraïbe vient nous bercer de sa tendre mélancolie et de sa douce étrangeté pour nous faire nous aussi rêver de cette “Jeanine in jean and calicot”.
10. Avi Buffalo Jessica (Avi Buffalo, 2010)
Si je n’ai pas encore eu l’occasion d’écouter dans les grandes largeurs le premier album de cet Américain, les quelques extraits qui me sont parvenus aux oreilles me semblent plus que prometteurs. Entre un MGMT en descente d’acides et le chant éternel d’un Neil Young, ce Jessica fait briller sa pop emplie de larmes et de nuages d’un éclat cotonneux, halo mélancolique scintillant et naïf.
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[…] de mes traditionnelles playlists. J’avais il y a déjà quelque temps abordé les prénoms féminins par la lettre J, je m’intéresserai aujourd’hui aux prénoms masculins commençant par A. Pas de raison […]