Le bateau ivre
Beirut The flying club cup (2007, 4AD/Naive)
Moins d’un an après son remarquable et remarqué premier essai – ce Gulag orkestar dont il fut question par ici – Zach Condon, l’âme de Beirut, remettait le couvert avec ce deuxième opus. Alors, quoi de neuf chez Beirut ? Pas grand chose, avouerons-nous, et nous ajouterons « c’est tant mieux ». Comme sur son épatant premier album, Zach Condon demeure ce jeune homme en permanent décalage spatio-temporel, rêvant de la Vieille Europe et de ses ports battus par le crachin, célébrant surtout ses musiques à l’eau-forte, leurs parfums capiteux et leur mélancolie profonde.
Beirut impose ici les mêmes choix esthétiques que sur Gulag orkestar, dérivant à mille lieues du rock et accompagnant ses airs élégiaques de mandoline, d’accordéon, de bouzouki et de toute une panoplie de cuivres et de cordes sortis tout droit des musiques de Goran Bregovic. Chaque morceau semble vouloir nous entraîner dans une folle ivresse, hésitant sans cesse entre euphorie et dépression, cherchant à saisir dans cette valse titubante quelque chose comme une ligne de fuite, des envies de départ et d’horizons nouveaux. En creusant le même sillon, Beirut parvient à approfondir son expression sans paraître se répéter. Les influences sud-américaines sont davantage remisées au second plan (sauf sur Guyamas sonora) au profit d’inspirations plus francophiles, déjà lisibles dans les titres des chansons (Nantes, Cherbourg, Cliquot…) et qui évoquent par touches les grands vents soufflés par Jacques Brel (dont Beirut a d’ailleurs repris Le moribond). En outre, alors que Condon jouait lui-même de la plupart des instruments sur son précédent album, il s’accompagne ici d’une véritable troupe de musiciens (dont le génial arrangeur Owen Pallett) et cette collégialité nouvelle vient donner davantage de corps à ses chansons.
Parmi la ribambelle de très bons morceaux qui parsèment le disque, on retiendra d’abord le génial Nantes et ses semelles de vent, ou le souffle puissant de Cherbourg qui lui fait écho en fin d’album. Le formidable Cliquot nous donne envie de chanter en chœur avec de vieux matelots au fin d’un troquet de bord de mer. Forks and knives (la fête) réussit le parfait mélange entre joie et tristesse, les yeux vers les cieux et les pieds dans la boue, le cœur ample à souhait mais si fragile… Impossible enfin de passer sous silence le merveilleux In the mausoleum, sur lequel l’orchestre de Bregovic semble croiser le fer avec les Tindersticks, un groove presque jazzy emmenant très haut une section de cordes mirobolante.
Même si le chant élégiaque de Condon nous paraît parfois un poil plaintif, je me rends compte à l’écoute que je préfère ce deuxième album au premier, dont une bonne moitié me lassait quelque peu malgré certains impressionnants sommets. Depuis ce Flying club cup, Beirut a fait paraître deux mini-lp l’an dernier, intitulés March of the Zapotec et Real people Holland. On attend la suite…
A voir ci-dessous une magnifique extrait d’un Concert à emporter de la Blogothèque (par M. Vincent Moon), où Beirut interprète The penalty et démontre qu’il n’est pas si simple de trouver un bar à Paris.
1 réponse
[…] un certain écho en France. Le jeune Condon a fait paraître l’an dernier son deuxième opus, The flying club cup, que je n’ai pas encore eu l’occasion d’écouter. Pour information, le groupe […]