Jeunesse sonique
TV On The Radio Desperate youth, blood thirsty babes (2004, Touch & Go)
Alors que le quatrième album du groupe vient de sortir il y a seulement quelques semaines, je reviendrai au cours des prochains jours sur les précédents épisodes de la discographie haut de gamme de ce combo new-yorkais, à mon sens l’un des cinq groupes les plus importants de ce siècle.
Sur ce premier album incendiaire paru en 2004, ce groupe de Brooklyn articulé autour du trio composé de David Sitek (tête pensante du groupe et producteur notamment du premier album des Yeah Yeah Yeahs Fever to tell), Tunde Adebimpe et Kyp Malone réussit le tour de force de mêler dans un chaudron bouillonnant une multitude d’influences sans se laisser écraser par une seule. Le résultat est un disque unique, qui évoquerait une improbable rencontre entre My Bloody Valentine et les Beach Boys, sous le haut patronage de la soul, du free-jazz et de David Bowie. La mention d’un tel amalgame pourrait effrayer mais le produit est tout bonnement électrisant, l’auditeur ayant le plus souvent l’impression de traverser le cœur d’une centrale nucléaire en fonctionnement.
L’album s’ouvre avec l’improbable morceau de swing mutant irradié, The wrong way, qui frappe au ventre autant qu’il s’adresse aux neurones (à l’instar de l’ensemble du disque). Ce premier titre met aussi en valeur la parole politique du groupe, qui se fait volontiers critique acerbe de l’Amérique bushiste de l’époque. On peut ainsi entendre sur ce morceau des phrases comme : “Hey desperate youth / Oh, blood thirsty babes / Your guns are pointed the wrong way”. Arrive ensuite le fantastique Staring at the sun, dont la force tellurique semble vitrifier tout le paysage alentour et qui évoque le meilleur My Bloody Valentine. L’ensemble du disque se déroule alors à très haute altitude entre l’incandescent Dreams ou l’étonnant King eternal. Le groupe se permet des audaces enflammées comme sur l’incroyable Ambulance, titre a cappella de près de cinq minutes, qui déroule une hallucinante psalmodie vocale entre Beach Boys et transe païenne. Le morceau Poppy évoque lui le meilleur de Swell avant de se rompre en son milieu pour laisser place là encore à une étonnante partition vocale carburant à l’énergie atomique. L’écoute de l’album s’apparente au final au spectacle d’une fascinante combustion dont se dégage une énergie stupéfiante et qui sait que d’un paysage de cendres peut naître une luxuriance inouïe.
Dès son premier album, TV on the Radio apparaissait donc comme l’un des groupes les plus innovants des années 2000, sachant accommoder à sa sauce (piquante) un impressionnant héritage musical qui en inhiberait plus d’un, bâtissant un langage neuf en fondant dans sa forge de maréchaux-ferrants soniques des pièces récupérées par-ci par-là. TV On The Radio a su depuis amplement confirmer l’essai de ce premier album imposant, enchaînant deux albums d’une richesse prodigieuse : Return to Cookie Mountain en 2006 et dont j’ai déjà eu l’occasion de parler dans ce blog, puis Dear science en 2008. Comme je l’indiquai plus haut, le nouvel opus du groupe, Nine types of light est paru cette année mais je ne l’ai pas encore écouté. Ça viendra…
2 réponses
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[…] puisque ce disque semble marquer un arrêt de la trajectoire ascendante suivie par le groupe depuis Desperate youth, blood thirsty babes. Trois albums durant, TV On The Radio fascinait par sa faculté à se redéfinir constamment, […]