La montagne magique
TV On The Radio Return to Cookie mountain (2006, 4AD)
Alors que l’ébouriffant troisième opus de ces New-yorkais sème depuis quelques semaines un joli désordre dans mes neurones conquises, retour aujourd’hui sur son imposant prédécesseur, ce Return to Cookie Mountain, lui-même succédant à l’iridescent Desperate youth, blood thirsty babes de 2004.
TV On The Radio creuse ici un peu plus le sillon unique tracé sur son album précédent. Le groupe délivre ainsi un rock mutant, mêlant dans son chaudron bouillonnant blues primitif, guitares en fusion, harmonies vocales héritées du doo-wop et effluves de free-jazz, le tout pour un résultat proprement inouï. Le niveau de l’ensemble est encore rehaussé par la production géniale de David Sitek, qui remplit chaque parcelle d’espace autour des morceaux tandis que les voix de Tunde Adebimpe et de Kyp Malone ajoutent une tonalité soul du plus bel effet.
Difficile dès lors de pointer un seul moment faible parmi ces onze morceaux imposants. L’album s’ouvre avec la lente procession angoissée d’I was a lover, entourant de samples distordus et de guitares acides un texte n’oubliant rien des désordres de l’Amérique bushienne ( “I was a lover / Before this war” ) , rappelant ainsi que le groupe s’inscrit pleinement dans son époque. Hours nous emmène ensuite dans un fascinant périple urbain, tout de sensualité féline, puis vient l’impressionnant Province, territoire vierge défloré sous nos yeux, avec la complicité discrète de David Bowie himself, jamais loin des musiques qui comptent. S’ensuit le déroutant Playhouses, figurant un improbable croisement entre Aphex Twin et My Bloody Valentine, puis l’exceptionnel Wolf like me, sabbat rock mutant sauvage et élégant, dont l’intensité pilonne le plexus avec une sécheresse à couper le souffle. A mon sens, cette chanson peut sans problème postuler au top 5 des meilleures chansons de ce siècle naissant. A method ralentit un peu le rythme mais sans que la fièvre ne retombe, faisant se rencontrer près d’un totem païen les harmonies vocales des Beach Boys et la transe de percussions primitives. Le groupe alterne ensuite la force brute de Let the devil in et la sensualité trouble de Dirtywhirl avant de nous offrir en bouquet final une trilogie dantesque. C’est d’abord le blues possédé et ténébreux de Blues from down here, puis le sublime et élégiaque Tonight, à la mélancolie irisée de la lumière des bougies. C’est enfin le fascinant Wash the day qui vient clore l’album, avec ses boucles de sitar électrique qui nous hypnotisent et nous élèvent d’un même mouvement, pour se conclure dans une ultime vibration résonnant en nous longtemps après l’arrêt de la musique.
Avec ce disque, TV On The Radio confirmait le coup d’éclat de son premier opus. Les nouvelles hauteurs conquises par le groupe sur son dernier album l’installent décidément comme le combo le plus fascinant apparu sur la scène rock depuis le début de ce siècle.
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