Deux associés, des cloches…
Broken Bells Broken Bells (2010, Columbia)
Focus aujourd’hui sur l’un des rares disques de 2010 que j’ai véritablement écouté cette année – mais rien de grave, je me rattraperai dans les semaines à venir, comme d’habitude. Broken Bells présente le profil parfait du super-groupe un rien branché, fruit de la collaboration entre deux artistes chacun issu d’une certaine scène underground et ayant conquis au fil des ans notoriété publique et estime critique. Nous avons donc d’un côté James Mercer – leader des remarquables Shins – et de l’autre Brian Burton, plus connu sous le nom de Danger Mouse, musicien et producteur multi-cartes aperçu aux côtés de Gorillaz, Beck ou Sparklehorse et moitié des consacrés Gnarls Barkley (Crazy, ça vous dit quelque chose?).
Mercer et Burton commencent à travailler ensemble à compter de 2008 et Broken Bells apparaît en tant que tel fin 2009, avec la parution du single The high road. L’album éponyme est publié quelques mois plus tard. Le résultat de cette collaboration se révèle au final proprement épatant. La collision entre les bidouillages sonores de Danger Mouse et la pop lumineuse de James Mercer débouche sur une drôle de musique hybride, une pop futuriste à la fois organique et cosmique. La musique de Broken Bells parvient à conserver les yeux rivés vers le futur sans perdre de vue la richesse de cinquante ans d’héritage pop. Une partie du disque semble se dérouler quelque part dans l’espace sans pour autant relever d’un concept fumeux ou souffrir du froid aseptisé des capsules spatiales. Les deux compères jouent eux-mêmes de la plupart des instruments, conviant le temps de glorieuses occasions une section de cordes ou des cuivres rutilants. Un impressionnant jeu de claviers de toute sorte vient illuminer l’ensemble des morceaux, leur conférant leurs teintes (bleu ou orange le plus souvent) ou leur dynamique.
L’album s’ouvre sur les sonorités lunaires du single The high road. On s’attardera cependant davantage (et comment!) sur l’extraordinaire Vaporize, chanson en forme de spirale ascensionnelle au cours de laquelle une guitare acoustique se retrouve embarquée sur un tapis volant de synthés fous et une cascade de chœurs qui vous fera vous aussi chanter à tue-tête avec un pincement au cœur. Assurément un des grands morceaux de l’année quoi qu’il arrive… Impossible de passer sous silence ensuite le démoniaque The ghost inside avec ses claviers infernaux ou le magnifique October, improbable croisement entre Elliott Smith et Gorillaz. L’album s’offre quelques temps faibles avec Citizen ou Trap doors mais propose en conclusion l’incroyable Mongrel heart, qui débute comme un morceau new-wave avant de se faire méchamment souffler dans les bronches par une tornade de trompettes sorties tout droit des eaux-fortes de Beirut, puis le nerveux et lumineux The mall and misery, un peu comme du Magazine futuriste.
Je ne sais pas si Burton et Mercer continueront leur collaboration sous cette forme-là. On les retrouvera assurément pour d’autres aventures, ensemble ou séparés; leur rencontre aura en tout cas eu le mérite de fort joliment nous sonner les cloches…