Bonbon acide
Giant Drag Hearts and unicorns (2006, Interscope)
Dans la grande ville (Los Angeles), Annie Hardy recherchait des musiciens pour former un groupe et ne pas rester seule avec ses chansons et sa guitare. Elle finit par jeter son dévolu sur le fils d’une collègue de sa mère, Micah Calabrese, batteur de son état. Alors que le combo demeurait en quête d’un bassiste, Micah s’avisa un jour de jouer quelques lignes de basse au synthétiseur tout en jouant de la batterie et la plaisanterie finit de convaincre les deux compères de conserver la formule du duo. Classiquement, après une série de concerts et une réputation allant crescendo, Giant Drag décrocha un contrat avec un label qui déboucha sur la parution d’un premier EP en 2005, Lemona. Leur premier (et unique à ce jour) album parut un an plus tard et je découvris le groupe en concert aux Eurockéennes de Belfort en 2006, convaincu par leur prestation énergique, amusante, fraîche et punchy.
Hearts and unicorns s’avère globalement à l’avenant même s’il m’est apparu à l’écoute légèrement en-deçà de leur prestation scénique. Le duo joue ici une musique mêlant l’héritage du grunge et d’un certain rock-indé américain, alliant goût du bruit et des mélodies, de Hole à Pavement en passant par les Breeders. Annie Hardy chante avec une voix à la fois délurée et enfantine des paroles salaces (YFLMD – pour “you fuck like my dad” ou My dick sucks) et c’est elle qui donne charme et fraîcheur à ces chansons pop barbouillées de guitares amplifiées.
L’album s’ouvre par le pétulant Kevin is gay que la fantasque Annie ponctue de miaulements canailles. La ballade Cordial invitation s’inspire visiblement des guitares sous haute tension de My Bloody Valentine (toutes proportions gardées néanmoins). Le reste du disque se situe dans une tonalité noisy-pop débraillée, certaines chansons payant d’ailleurs quelque peu cette négligence d’une certaine insuffisance (n’est pas Pavement qui veut). On retiendra cependant une poignée de morceaux abrasifs et accrocheurs comme ce This isn’t it à rendre jaloux Kim Deal et ses Breeders. On reviendra également avec plaisir sur le rugueux Pretty little neighbor, le tranquille et menaçant Smashing ou l’excellent Slayer. On se délectera enfin de l’enthousiasmante relecture du Wicked game de Chris Isaak, transformé pour l’occasion en pop-song garce et sensuelle électrocutée avec délice.
Micah Calabrese allait quitter le groupe peu de temps après la sortie de l’album et Giant Drag semblait devoir être réduit – comme tant d’autres avant lui – au rôle de petit plaisir éphémère. Apparemment, il ne fallait pas enterrer l’obstinée Annie Hardy et le groupe est revenu avec un EP Swan song en début d’année et annonce même sur son site la parution prochaine d’un nouvel album. A suivre donc…