Le premier souffle d’Air
Air Moon safari (1998, Source/Virgin)
C’est peu de dire que ce disque suscita une certaine attente au moment de sa sortie, moins parmi le grand public d’ailleurs qu’au sein de certains cercles « branchés » me semble-t-il. En pleine vague « French touch », les deux Versaillais Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin avaient fait parler avec une série d’EP remarqués. J’avoue pour ma part être à l’époque complètement passé à côté, ne m’intéressant pas vraiment à cette touche française qui semblait mettre alors en émoi une bonne partie de la presse musicale, anglo-saxonne notamment. Je ne croiserai la route d’Air que quelque temps plus tard, comme je l’expliquais déjà ici.
Curieux d’ailleurs qu’Air ait été rattaché à la French touch, la musique du groupe ayant a priori peu à voir avec celle de Daft Punk ou d’Alex Gopher par exemple. Si on essayait d’analyser la composition de l’Air, on retrouverait des influences allant de la variété française haut de gamme (Polnareff, Gainsbourg surtout) aux musiques synthétiques de la fin des années 1970 en passant par la pop ourlée de Bacharach ou les bandes originales de films de Michel Colombier. Cette somme d’influences se retrouve d’ailleurs à la lecture des prestigieux collaborateurs de ce safari lunaire, de l’arrangeur David Whitaker, orfèvre génial ayant œuvré aussi bien derrière Nico que France Gall, au pionnier de la musique électronique Jean-Jacques Perrey.
Un bon disque ne se résume cependant pas à une somme d’influences. Que penser donc de ce premier souffle d’Air ? Comme sur ses disques ultérieurs – du moins ceux que je connais – le duo alterne mélodies stellaires captivantes et morceaux lénifiants, aussi relevés qu’un petit suisse. Air semble balancer constamment sur ce fil ténu qui sépare l’évanescence gracile de l’indigence, prenant à chaque morceau le risque du tiède. Peut-être est-ce cela qui rend ces garçons attachants… Parmi les réussites indéniables, je placerai sans conteste l’introductif La femme d’argent, qui doit se balader quelque part sur la voie lactée ou l’épatant Sexy boy et ses basses gargantuesques. Mention aussi au superbe Talisman et ses arrangements de haut vol tressés par Whitaker, que l’on portera fièrement contre la laideur et la mesquinerie. Difficile enfin de résister au rafraîchissant Ce matin-là , matin bonheur assurément. En revanche, impossible d’accrocher au tube Kelly watch the stars pénible sur la longueur. Les deux morceaux interprétés par Beth Hirsch (un rapport avec Martin?) ne parviennent également qu’à nous décrocher quelques bâillements et on pourra en dire autant de l’inoffensif New star in the sky.
Moon safari marquait en tous cas l’entrée dans le monde d’un groupe singulier, qui réussit à placer avec quelques autres la France sur la carte du monde musical et contribua sans doute à décomplexer nombre de groupes français de la décennie suivante. Air poursuit son petit bonhomme de chemin, ayant fait paraître un nouvel album en 2009 intitulé Love 2.
http://www.youtube.com/watch?v=A_ulZiob5I0