Bouquet de nerfs
The Feelies Crazy rhythms (1980, Stiff)
Les Feelies se forment en 1977 à Hoboken, New Jersey, banlieue tranquille qui donnera aussi naissance aux géniaux Yo La Tengo, confirmant ainsi l’adage comme quoi “c’est dans les banlieues calmes qu’on fait les meilleurs groupes”. Le quatuor (Glenn Mercer, Bill Million, Keith De Nunzio et Anton Fier) se construit peu à peu une réputation flatteuse en jouant dans les clubs de la ville puis de sa grande sœur new-yorkaise, et se retrouve propulsé en 1978 comme le “meilleur groupe underground” de New York par le magazine Village Voice. En 1980, le label Stiff leur permet de publier ce premier album tonitruant, Crazy rhythms.
Avec ce disque proprement inouï, les Feelies creusent un nouveau sillon à partir des lignes de fuite tracées par leurs illustres aînés, du Velvet Underground aux Modern Lovers, en passant par leurs contemporains Talking Heads. En neuf morceaux comme autant de condensés d’énergie brute, le groupe crée un formidable tourbillon fascinant et galvanisant. Porté par une dynamique rythmique époustouflante, Crazy rhythms maintient tout du long une tension nerveuse sans pareille. Libres et farouches, les compositions du combo sonnent comme autant d’évasions, fuites en avant s’appuyant sur d’impressionnants entrelacs de guitares secs et hypnotiques, bouquet de nerfs cueillis à pleines mains par ces quatre jeunes gens au look d’étudiants sages.
Crazy rhythms est un album extrêmement cohérent, et il est difficile d’en ressortir certains titres en particulier. On retiendra évidemment l’introductif The boy with the perpetual nervousness, hymne tout de violence contenue célébrant l’anticonformisme menaçant d’un adolescent de banlieue: “Well he’s not like the boys we used to have / Not like them at all / Those ones made their parents proud / This one beats ’em all”. Impossible aussi de passer sous silence l’exceptionnel Loveless love, montée en puissance à couper le souffle. Le groupe aligne les chansons libres comme l’air, dévalant les pentes si vites que ses pieds semblent ne plus toucher terre, ces Forces at work ou Crazy rhythms. Les Feelies font montre également de leurs goûts pour les reprises iconoclastes et délivrent ainsi une version méconnaissable du Everybody’s got something to hide except me and my monkey des Beatles.
Avec cet album, le groupe décrochera un réel succès critique et deviendra surtout une influence importante, ses airs épileptiques irradiant de R.E.M. à Clap Your Hands Say Yeah. Pourtant, les Feelies, vite en froid avec leur label, se sabordent une première fois de façon assez inattendue, chaque membre menant ses propres aventures au fil des années suivantes. Ils reviendront en 1986 avec The good earth puis ce sera Only life en 1988 et Time for a witness en 1991, dernier effort discographique répertorié. Crazy rhythms et The good earth viennent d’être réédités.
2 réponses
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[…] fallu pas moins de six ans aux Feelies pour donner une suite à leur exceptionnel premier album, ce Crazy rhythms dont j’ai déjà eu l’occasion de chanter les louanges dans ces colonnes. En bisbille […]