Burial Untrue (2007, Hyperdub)
Je n’ai jamais été très familier des musiques électroniques, traînant longtemps derrière moi un vieux préjugé de mes amours de jeunesse, quand je ne jurais que par le son des guitares ou les envolées de la pop orchestrale. J’ai peu à peu nuancé mon radicalisme pop-rock-folk, ne pouvant que m’incliner devant la majesté des formes neuves engendrées par les alliances et confrontations entre l’électro et pop, rock, folk ou soul, de Björk à Radiohead, de Massive Attack à Portishead. Je n’ai cependant jamais souhaité m’aventurer vers les formes « pures » de la techno ou de la house-music, et les constructions savantes d’Aphex Twin m’ont par exemple plus fasciné que chaviré. Quant à la musique de club, j’avoue n’y être guère sensible plus de dix minutes, et mes récentes écoutes du disque de Justice m’ont confirmé dans cette inclinaison. Écouter Burial constitue donc pour moi une expérience assez déconcertante et inhabituelle.
Derrière ce pseudonyme pas vraiment glop (Burial signifiant « enterrement » pour les allergiques à l’anglais) se cache un producteur anglais du nom de William Bevan. L’homme œuvra longtemps dans l’anonymat le plus complet, souhaitant le minimum d’interférences entre sa musique et son public, et entretenant du même coup un indéniable mystère autour de ses productions. En 2006, un premier album éponyme reçut un accueil enthousiaste de la presse spécialisée et en 2007, ce deuxième opus, Untrue, fût à son tour accueilli par un concert de louanges, au-delà même du cercle restreint des amateurs d’électro underground.
Derrière des abords assez abscons, parfois rebutants, la musique de Burial parvient, dans ses meilleurs moments, à irradier d’une lumière à la fois douce et froide. Sur des rythmiques oscillant entre pulsations cardiaques et cliquetis métalliques, Burial place des nappes de synthés samplés et surtout un étonnant entrelacs de voix, parasitées, triturées, donnant l’impression saisissante de musique fantôme. Un des meilleurs titres du disque s’intitule d’ailleurs Ghost hardware et cette musique semble en effet parfois provenir d’un disque dur fantôme, la trace d’anciens fichiers sonores venant hanter un présent embrumé.
Cette beauté enveloppante se retrouve sur les meilleurs titres de l’album, à commencer par le magnifique et élégiaque Archangel, rai de lumière diaphane venant illuminer la nuit. On retiendra aussi des morceaux comme Near dark ou Etched headplate, et surtout le génial et conclusif Raver, qu’on rebaptiserait volontiers « rêveur » si le jeu de mots n’était pas si éculé. On l’imagine en tout cas volontiers servant de bande-son au magnifique film de Hou Hsiao Hsien Millennium mambo, pour ce mélange troublant entre sensualité, distance et onirisme. Le disque ne parvient cependant pas à maintenir ses sortilèges sur toute la longueur, pêchant parfois par excès de phrases répétitives plus ennuyeuses qu’autre chose, et nous rappelant du même coup de vilains souvenirs de boîtes de nuit, quand l’alcool ne nous portait plus suffisamment pour nous faire oublier que la musique était assommante.
Je recommanderai néanmoins quand même ce disque dont la beauté désolée surgit par endroits, comme affleurant sous une chape noire d’abord plutôt malcommode à première vue. Et puis il est parfois agréable d’être dérouté.