Équilibre instable
Gene Olympian (1995, Polydor)
Au mitan des années 1990, pléthore de groupes anglais à guitares profitait de la brèche ouverte par les grands frères Blur et Oasis pour s’offrir son quart d’heure de gloire (?) rock and roll, incarnant ce qui fût alors nommé brit-pop. J’ai déjà évoqué ici le peu d’intérêt que cette “famille” avait éveillé en moi à l’époque, étant pour ma part infiniment plus passionné par les splendeurs venant alors d’Amérique (de Pavement à Jeff Buckley) , à quelques exceptions près (Portishead ou Baby Bird) . La plupart des groupes de la vague brit-pop disparut aussi vite qu’elle était arrivée, et Gene n’échappa pas au reflux qui emporta les espoirs des Menswear, Cast et autres Shed Seven. Pourtant, le groupe avait su se distinguer avec cet album un peu bancal, oscillant sans cesse entre fatuité et fragilité.
Gene se forme en 1993 autour du guitariste Steve Mason et du chanteur/tête d’affiche Martin Rossiter. Le groupe suscite le buzz dès ses premiers singles et réussit à fédérer autour de lui un noyau de fans fidèles, fascinés par la personnalité et les prestations scéniques intenses de Martin Rossiter. Après une poignée de singles, le groupe fait paraître ce premier opus en 1995 et reçoit aussitôt un accueil critique mitigé, provoquant des réactions d’adhésion et de rejet assez tranchées.
Musicalement, le groupe revendique haut et fort l’influence des Smiths, Rossiter semblant souvent s’inspirer des inflexions vocales de Morrissey. Le résultat s’apparente en fait davantage aux travaux solos du Moz, tant les guitares de Mason se font brutes de décoffrage, semblant toujours chercher à bousculer les airs un peu maniérés de Rossiter. Gene demeure à distance plus que respectable de son illustre modèle, mais parvient à affirmer une identité touchante sur une bonne moitié des morceaux de l’album. Gene avance en effet en équilibre instable sur le fil séparant la grâce de la vulgarité, et alterne réussites et plantages tout au long des onze titres du disque.
Sur des chansons comme Olympian ou London, can you wait , Gene parvient à emporter l’adhésion par son lyrisme abrasif, une façon de se jeter à corps perdu dans ses morceaux qui pourrait faire sourire mais qui au final s’avère profondément émouvante. Dans la même veine, Your love it lies ou Truth, rest your head conservent leur charme doux-amer après presque quinze ans d’écoute. En revanche, on pourra toujours se dispenser des pénibles Sleep well tonight et autres Still can’t find the phone.
Comme je le disais plus haut, Gene fût rapidement oublié et dès son deuxième album, Drawn to the deep end, paru en 1997, le groupe vit son audience décliner. Il maintint une activité discographique jusqu’au début des années 2000, avant de disparaître en bonne et due forme, du moins pour ce que j’en sais. Reste cette poignée de chansons maladroites et un peu indociles, bravaches et innocentes à la fois, traces émouvantes de ce quelque chose en soi qu’on souhaite pouvoir préserver encore longtemps. Un idéal peut-être…