Les quatre saisons
Belle and Sebastian If you’re feeling sinister (1996, Jeepster)
Il est des disques vers lesquels on appréhende parfois de revenir, tant on les a aimés, usés jusqu’à la corde et pour lesquels on craint qu’une nouvelle écoute ne vienne nous révéler à quel point on aurait changé. On ne saurait alors plus très bien s’il faudrait s’en féliciter ou se demander ce qui se serait perdu en route.
A sa sortie, ce disque a longtemps squatté ma platine en tyran, accommodant sa douceur et sa mélancolie, sa lumière et ses mélodies aux fluctuations de mes humeurs. Et puis, les disques suivants du groupe attendus avec tant d’excitation se sont avérés un peu décevants et j’ai fini par passer à autre chose. Cependant, chaque retour vers ce disque inusable me confirmait dans mes élans passés. C’est encore le cas aujourd’hui.
Alors certes, on sait qu’on a changé et c’est très bien comme ça. Les lignes claires et les lignes de fuite de ce disque splendide nous touchent parfois différemment, d’autres fois agitent les mêmes points demeurés sensibles. Combo de sept musiciens piloté par Stuart Murdoch, Belle and Sebastian livre ici avec son deuxième album une musique belle et lumineuse, mêlant arpèges folk et arrangements pop, empruntant aussi bien à Love et aux Pale Fountains qu’au Velvet Underground de Loaded. La musique de Belle and Sebastian sur ce disque constitue surtout une merveilleuse garde-robes adaptée aux quatre saisons. Des scintillements printaniers de Seeing other people (conduit par un piano enchanteur) ou Get me away from here I’m dying aux frimas bouleversants de The fow in the snow, des teintes estivales de Mayfly aux couleurs automnales de The boy done wrong again, Belle and Sebastian promène avec une grâce confondante ses guitares souples, ses cordes onctueuses, son harmonica enjoué et ses mélodies superlatives devant nos yeux ébahis. D’un romantisme incurable mais d’un humour incisif, les textes et la voix de Stuart Murdoch confèrent de surcroît à l’ensemble une patine inusable de mélancolie céleste.
Comme tous les grands disques pop, If you’re feeling sinister distille son doux venin sous les atours les plus doux. Il agit au final comme ces brises soudaines qui viennent troubler les mariages en plein air, laissant un air rafraîchi, quelques verres renversés et quelques jupes retroussées, et venant perturber de leur souffle discret l’ordre des choses.
Le groupe ne retrouvera plus par la suite pareil état de grâce, si ce n’est le temps d’une poignée de singles ébouriffants parus dans la foulée. Leurs albums comportent cependant leurs lots de bonnes chansons et méritent d’y jeter une oreille; si vous vous sentez sinistres, vous y trouverez de quoi vous rendre un peu de lumière.
5 réponses
[…] de l’athlétisme », pièce de choix placée en entrée de cet inépuisable If you’re feeling sinister déjà célébré dans ces colonnes. Pas d’exhibition de fort des halles ici, juste la […]
[…] laps de temps, le groupe fit paraître deux albums – dont un chef-d’oeuvre certifié, If you’re feeling sinister – et une poignée de singles […]
[…] attendu. Subjugué – comme beaucoup d’autres – par les beautés infinies de leur If you’re feeling sinister dont les teintes semblaient épouser chacune de mes humeurs, puis estomaqué par une poignée de […]
[…] peut parfois conduire à une forme d’ingratitude. Pour avoir tant chéri l’inépuisable If you’re feeling sinister des Écossais de Belle & Sebastian, j’avais sans doute placé des espérances […]
[…] attendu. Subjugué – comme beaucoup d’autres – par les beautés infinies de leur If you’re feeling sinister dont les teintes semblaient épouser chacune de mes humeurs, puis estomaqué par une poignée de […]