Toujours sur la ligne blanche
The Distillers Coral fang (2003, Warner)
A priori, les Distillers n’avaient pas forcément les atouts pour éveiller mon intérêt. Naviguant dans les eaux du punk hardcore américain, le groupe semblait surtout célèbre pour les vicissitudes de la vie privée de sa chanteuse et leader, Brody Dalle, ex-femme du leader de Rancid. Avec cela, le groupe charriait un décorum gothique ne devant à mon sens trouver des amateurs que parmi les adolescents nourris au death-metal. Et pourtant, l’intérêt d’un groupe ne se limite pas à l’image qu’il colporte.
Avec ce Coral fang paru en 2003 – leur troisième opus – , ce groupe basé à Detroit balance une remarquable bombe punk, remplie de rage et de vindicte mais surtout remplie d’excellentes chansons. Depuis Nirvana, on n’avait guère eu l’occasion d’entendre pareilles déferlantes, morceaux ouragans joués pied au plancher, toujours sur la ligne blanche mais sans jamais finir dans le mur. Avant de monter le son de leurs amplis, les Distillers n’oublient pas leurs devoirs d’écriture, mêlant l’évidence de mélodies pop à la brutalité sèche du punk. Le chant éraillé et viscéral de Brody Dalle vient encore rehausser l’ensemble, la demoiselle faisant montre d’une furie peu commune, à l’évidence inspirée par les grandes heures de Hole. Dalle tient surtout son ensemble de main de maîtresse, jamais débordée par le flot de guitares furieuses qui l’entoure, gardant toujours le cap sans se laisser submerger par le boucan ambiant.
Il faut d’abord signaler l’ébouriffant Hall of mirrors, morceau tout en accélérations spectaculaires joué à tombeau ouvert, déconseillé aux âmes sensibles. Les Distillers maîtrisent à merveille l’art de la chanson punk percutante, enchaînant sans mollir des titres comme Drain the blood, Dismantle me ou l’ hors d’haleine Die on a rope. Le groupe sait aussi varier les plaisirs comme sur l’impressionnant The hunger, rencontre au sommet entre Patti Smith et Hole, entre couplets déchirants et refrains détonants. Difficile aussi de passer sous silence le formidable The gallow is God, qui évoque les orages soniques des immenses Queens of the Stone Age, le groupe du mari de Mme Dalle. On pourra juste regretter les onze minutes de bruit placées en fin d’album avec le pénible Death sex, comme un gage donné pour faire punk-rock, mais qui n’apportent rien à l’ensemble.
Après cet album, le groupe a dû d’abord faire face au départ de la moitié de ses membres, Brody Dalle en profitant pour pouponner. En 2006, les Distillers ont finalement fini par splitter. Brody Dalle s’en est allée monter le groupe Spinnerette, dont le premier album est attendu pour cette année (à moins qu’il ne soit déjà sorti).
PS: Bonnes vacances à tous et à très bientôt.