Les fils du vent
The Verlaines Hallelujah all the way home (1985, Flying Nun)
J’avais failli oublier les Verlaines… Dans la catégorie des grands groupes méconnus, le trio néo-zélandais réussit l’exploit d’être davantage encore ignoré des livres d’histoire et des anthologies officielles que ses sublimes frères d’âme des antipodes (Australiens ceux-là) que furent les Go-Betweens ou les Apartments. Le pourtant colossal Dictionnaire du rock de Mischka Assayas ne leur consacre ainsi pas même une ligne alors qu’il n’omet pas les exploits de leurs collègues de label, Bats, Chills et autres Chris Knox. J’avoue avoir moi-même un peu oublié ce disque jusqu’à peu, tant il s’était fait tout petit dans ma discothèque, coincé entre le Velvet et The Verve.
Les Verlaines se forment en 1981 à Dunedin, Nouvelle-Zélande, sous l’égide de Graeme Downes, leader tourmenté et musicien accompli, embrassant dans une même passion classique et punk, le nom du groupe devant d’ailleurs au moins autant au stratosphérique leader de Television qu’à notre génial poète national. Le groupe s’embarque donc dans la formidable aventure du rock néo-zélandais, au sein de cette famille soudée comme un seul homme autour du label Flying Nun, envoyant depuis son île enchantée au reste du monde une musique sans foi ni loi, fiévreuse et bucolique, tendre, vibrante et inventive. Les Verlaines se font remarquer en 1983 avec le merveilleux Death and the maiden (que reprendra plus tard l’ex-leader de Pavement, Stephen Malkmus) et en 1985, ils font paraître ce premier opus. Véritables maîtres des éléments, Downes et ses comparses jouent ici une musique tempétueuse et lumineuse, intense et hantée, vivifiante comme une pluie d’orage mais noire et grondante comme le ciel qui la déverse. Musicien de formation classique, Downes joue une sorte de punk acoustique, comme élevé en plein air, offrant à ses banjos, clarinettes et violoncelles de furieuses cavalcades. En huit morceaux et à peine 35 minutes, il nous laisse ébouriffé, pantelant et en redemandant.
On n’a en effet pas si souvent l’occasion d’écouter une chanson comme The lady and the lizard, avec ses guitares grattées par tous les vents, qui emmènent ce morceau divin, tout en accélérations aériennes, bien au-dessus des nuages. Ailleurs, sur l’apaisé Don’t send me away, Downes joue une comptine hors-du-temps, une musique de chambre pour lande battue, allant chercher des poux au génial Colin Blunstone. On retiendra encore et au hasard l’affolant Lying in state dévalé les yeux hagards et les tripes à l’air ou les constructions biscornues des sublimes For the love of ash grey et Phil too?.
La discrétion du groupe s’étendant bien entendu à sa distribution, je n’ai jamais eu l’occasion de retrouver d’autres disques des Verlaines, ma pratique de recherche se limitant encore à fouiller dans les bacs des disquaires et non sur les plate-formes de téléchargement. Peut-être les personnes intéressées et familières de ces outils pourront y trouver quelque chose sur les Verlaines. En 1987, le groupe fit paraître une compilation de ses premiers singles, Juvenilia, avant d’enchaîner 5 albums studios entre 1987 et 1997: Bird dog, Some disenchanted evening, Ready to fly, Way out where et Over the moon. Une compilation joliment titrée You’re just too obscure for me est parue en 2003.
En écoute, un extrait de l’album joué en concert The ballad of Harry Noryb.