Des nouvelles de l’an 2000

Mathieu Boogaerts 2000 (2002, Tôt ou Tard)

Alors que le bonhomme vient de faire paraître son huitième album solo, fort judicieusement dénommé En anglais puisque intégralement interprété… en anglais, revenons ce soir près de vingt ans en arrière pour nous pencher sur ce formidable 2000, qui venait raffermir la place de Mathieu Boogaerts dans le Panthéon de mes amours musicales.

C’matin j’ai vu l’avenir / Il nous fait un sourire / M’a chargé de t’dire, qu’il fallait revenir / Qu’on devrait revenir / J’aimerais réinscrire / Sur la carte du ciel / Ton joli sourire, plus haut que Babel

L’espace

Après un premier opus remarqué, même si inégal, dont il fût déjà question dans ces pages, Mathieu Boogaerts allait, comme tant d’autres, se prendre un peu les pieds dans le tapis du deuxième album. En plus d’être un échec commercial patent, J’en ai marre d’être deux (1998) ne retrouvait que de façon intermittente l’agilité et l’inventivité démontrées sur l’initial Super, et Mathieu Boogaerts paraissait ne plus vraiment savoir quelle direction prendre, comme hésitant à aller au bout de ses intentions. A l’aune de ce deuxième essai par trop inabouti (malgré de bons moments, avouons-le), 2000 allait constituer un imposant pas en avant, Boogaerts s’élevant même bien au-dessus des promesses semées par son premier LP. Le bonhomme affûte ici tous les atouts qui font le charme de sa musique, en leur conférant une consistance nouvelle et une profondeur de champ jusque là inédite. Le minimalisme fluet de Super se remplume grâce à l’apport d’une fine équipe de collaborateurs précieux, d’Albin de la Simone à Médéric Collignon, du bassiste Jean-René Zapha à l’expérimenté Renaud Létang préposé au mixage. Boogaerts affirme aussi sa poésie légère, ajustant la syntaxe pour coller au mieux à la musicalité qu’il recherche, usant des néologismes, des accords décalés et des tournures baroques aux charmes enfantins. Le garçon continue aussi à naviguer avec bonheur et souplesse entre les genres musicaux, métissant ses mélodies de toutes les influences glanées au fil de ses voyages avec une fluidité pleine de décontraction moelleuse.

Renée se serait bien balancée / Au gré du vent, souvent / Aurait aimé prendre le vent / Siffler, souffler dans un instrument / Et faire son temps tranquille / Sur ses barils, taper taper / Tout l’été / Chanter / Se laisser porter

Renée

On passera donc avec un égal bonheur de la country à quatre sous du Las Vegas d’ouverture (ah, les claviers d’Albin de la Simone) aux airs de bossa aquatique du superbe Néhémie d’Akkadé ou à la pop survitaminé du Ciment, dont Vampire Weekend aurait pu prendre de la graine. 2000 révèle aussi, derrière la dégaine de doux original affiché par Boogaerts et ses mélodies légères, un arrière-plan plus sombre. La trentaine dépassée, notre bonhomme transporte son lot de doutes et de fêlures, évoquant aussi bien ses envies de s’installer (Le ciment) que son inaptitude à rester en place (Bye). Ailleurs, l’ambiance se fait carrément plombée le temps d’un hommage pudique et bouleversant à un ami disparu (Dom). Et sous leurs airs enjoués, L’espace (avec ses loopings rétro-futuristes) et le calypso bricolé du génial Quel été 2000 sont aussi deux chansons d’amours tristes. On notera que Boogaerts fait par ailleurs profession d’humilité, en multipliant les hommages : à l’ami suicidé donc (Dom), à la musicienne amatrice avide d’échappée belle et restée à quai (Renée) ou à son pote Matthieu Chédid (Matthieu). Impossible enfin de consacrer quelques lignes à ce disque sans mentionner la grandeur inusable du fantastique Tu es, merveilleux chant d’amour et de bonheur, hymne béat bourré de fantaisie (quel cornet !) qu’on fredonnera notre vie durant et qu’on a la chance de pouvoir interpréter sans le trahir.

Celle que je me raconte / Quand je chante tout haut / Toutes les notes qui montent, là-haut / C’est pour mieux t’appeler / Pour mieux t’épeler

Tu es

Avec 2000, Mathieu Boogaerts redevenait « super » et bien plus encore, s’aménageant à coup de mélodies malines une place bien à part dans le paysage de la chanson d’ici – et d’ailleurs. Le garçon a largement confirmé depuis, réussissant à hausser encore son niveau notamment sur son magnifique Michel de 2005. On ira écouter de plus près très vite les nouvelles péripéties anglophones du bonhomme.

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