La vie au grand air
Rolling Blackouts Coastal Fever Sideways to New Italy (2020, Sub Pop)
Je respecterai d’abord la tradition en adressant mes meilleurs vœux pour 2021 à mes quelques lecteurs et lectrices – fidèles ou non – , et j’imagine fort volontiers que beaucoup la souhaiteront moins compliquée que 2020. Comme chaque année, je me suis interrogé un instant sur la poursuite de ce blog – qui fêtera prochainement ses quinze ans – mais puisque perdurent le bonheur infini de la musique et le plaisir de la découverte et du partage, même à ma modeste échelle, pourquoi s’arrêter ?
Red light is fading / Caught in the moon rise / Leaves fall faster / Even your bright eyes / Are changing with the season
Falling thunder
Après plusieurs mois passés à remonter le classement de mes 200 chansons préférées de la décennie écoulée, je renouerai ce soir avec joie le fil des mes chroniques d’albums en me penchant sur un vrai disque de feel good music paru il y a quelques mois et qui a su, depuis, faire sa place sur ma platine (ou plutôt sur mes divers supports d’écoute). Les Rolling Blackouts Coastal Fever – R.B.C.F. pour les intimes et les fainéants – nous viennent droit d’Australie, terre d’origine de nombre de mes favoris de coeur, des Go-Betweens aux intouchables Apartments. Formé par deux cousins – Fran Keaney et Joe White – et un ami commun, Tom Russo, le groupe affiche la singularité de réunir un trio de guitaristes qui s’adjoindra rapidement une section rythmique digne de ce nom. Le quintet fait paraître successivement deux EP remarqués – Talk right (2016) et l’épatant The French press (2017) – bientôt suivis d’un premier long format en 2018, le très recommandable Hope downs.
It sounds like rain / I hear the beating in my heart / You want it simple / How hard you make it
Cars in space
Sideways in New Italy creuse un peu plus le sillon de ces trois premières parutions, celui d’une pop ensoleillée et énergisante, gorgée de mélodies pétulantes et avide de voltiges aériennes. Soyons clairs, les Rolling Blackouts n’inventent rien de révolutionnaire ; ils se contentent brillamment d’alimenter leur feu de joie à l’inextinguible source brûlante des grands maîtres pop. On trouvera donc sur ce disque vivifiant une pelletée de fulgurances mélodiques, d’entrelacs de guitares fluides et de ferventes harmonies vocales. Les références sont nombreuses (des chansons ventées des grands noms du label Flying Nun aux Stone Roses en passant par R.E.M., les Byrds, les Feelies, les Buzzcocks ou les plus méconnus Magic Numbers) mais le groupe est assez talentueux pour tirer son épingle du jeu et faire entendre sa petite musique. Derrière les indéniables vertus euphorisantes de cette musique, on pourra discerner comme une petite fêlure, une légère patine douce-amère qui vient relever la joliesse de l’ensemble. Un peu comme si le groupe faisait provision de soleil alors que se profilent à l’horizon de menaçants nuages noirs. Ou comme s’il cherchait à courir vite avant que les désillusions ne mordent ses mollets.
I put myself in a letter / I send myself on the powerlines / A picture of yourself in the future / A nation in the plains, beyond the frame
Cameo
Toujours est-il que l’amateur de pop à guitares, si anachronique à l’époque actuelle, trouvera de quoi se contenter au fil de ces dix chansons dévalées à vive allure par le quintet originaire de Melbourne. Les Australiens s’y entendent à merveille à trousser des morceaux aux airs de montagnes russes, qui nous remuent dans tous les sens et nous projettent la vie au visage, à commencer par l’introductif The second of the first ou le formidable Cars in space, un des hauts faits de l’album qui évoque quelque chose comme la rencontre des Buzzcocks et des Magic Numbers. Le groupe sait cependant ralentir (un peu) l’allure pour livrer quelques merveilles roboratives, comme ce Falling thunder irrésistible ou ce The only one qui mêle heureusement la jangle-pop à une rythmique funky. Ailleurs, le groupe balance entre la nervosité efflanquée des premiers R.E.M. (She’s there) et l’ardeur communicative des Stone Roses, sur des morceaux au lyrisme à peine contenu (Cameo, Beautiful Steven). Et si le disque se termine sur deux titres un poil en-dessous, l’ensemble demeure suffisamment réjouissant pour qu’on ne boude pas notre plaisir.
Every Saturday, I wait for the footfalls in the hall / Mother Mary at the wings and the ocean is upon us / Still wanna still run nowhere out here, nothing moves at all / Wood smoke, Joan and Quran, we light up by the loadin’ sun
Not tonight
Remarquablement éloigné des sonorités en vogue du moment, ce deuxième album des Australiens ravira les auditeurs friands de mélodies et de pop à guitares et procurera un bon bol d’air si appréciable dans ces moments confinés.