De grandes espérances
The Blue Nile Hats (1989, Virgin)
Il aura fallu près de cinq ans à Paul Buchanan et ses deux compères pour donner une suite à leur splendide premier album ; le fan du Blue Nile se rendra compte ultérieurement qu’un tel laps de temps était finalement peu de choses à l’échelle de la chronologie du groupe puisque sept années sépareront Hats de son successeur, ce dernier précédant d’encore huit années le quatrième album du trio. A l’écoute d’ A walk across the rooftops, on pouvait se douter que le combo écossais n’avait que faire de la course à l’échalote devant rythmer la carrière d’un groupe rock traditionnel. Et à l’écoute du résultat époustouflant de ces cinq années de maturation, l’amateur de musique ne pouvait que tirer bien bas son chapeau aux magistraux Écossais.
I can’t go on and I can’t go back / I don’t feel so, matter of fact / I tried and tried to make good sense / What’s the good to try it all again ?
Over the hillside
Avec Hats, le trio emmené par Paul Buchanan réussit le tour de force de donner une dimension encore supérieure à tout ce qui faisait la beauté de son premier opus. The Blue Nile continue de mêler l’expressivité et le romantisme soul du chant hanté de Buchanan à une électro-pop sans pareille, insufflant une âme d’une profondeur inouïe aux synthétiseurs qui forment l’essentiel de la pâte musicale du groupe. Et alors que le trio a souvent humblement souligné ses lacunes techniques, il fait pourtant montre d’une musicalité bouleversante. Hats brille notamment par sa façon d’agencer les silences, la marque des grands disques, chaque chanson se déployant et se dilatant pour imposer son tempo (le plus souvent lent et languide) à notre cerveau consentant.
The golden lights, the loving prayers / The colored shoes, the empty trains / I’m tired of crying on the stairs
The downtown lights
Au final, le disque baigne dans une sorte de mélancolie lumineuse, avec l’amour comme éternel agent perturbateur de nos existences ballottées. Hats navigue sur ces eaux tourmentées, entre les larmes et l’extase, guidé par la voix déchirante de Paul Buchanan dans un Glasgow que l’auditeur peut fantasmer à sa guise paré de néons dorés et de grisaille teintée de bleu nuit.
From a late night train / Reflected in the water / When all the rainy pavement / Lead to you / It’s over now / I know it’s over
From a late night train
Il ne faut pas plus de sept morceaux au Blue Nile pour offrir un chef-d’œuvre. Parmi les hauts faits de l’album, le trio écossais peut se targuer d’avoir commis deux de ces chansons qui semblent dénuder le monde et dont la beauté laisse hébété, le scintillant The downtown lights et l’extraordinaire Let’s go out tonight, fabuleuse torch-song à tirer des larmes au plus dur des cœurs de pierre. Outre ces morceaux de bravoure que tout cœur sensible doit avoir écoutés une fois dans sa vie, le groupe livre aussi d’autres perles tel l’introductif Over the hillside faisant figurer d’aube grandiose se levant sur l’album ou le terminal Saturday night qui démontre ô combien que si la musique du groupe se joue parfois un genou à terre, elle n’en garde pas moins toujours les yeux rivés vers l’avenir ou vers le ciel, avec l’espoir comme horizon et comme boussole. “An ordinary girl will make the world all right / She’ll love me all the way” chante Buchanan, “It’s Saturday night”… Impossible aussi de passer sous silence la sublime gravité de From a late night train, lente dérive crépusculaire sur les cendres d’un amour perdu.
I know a place where everything’s alright, alright / Let’s go out tonight
Let’s go out tonight
Curieusement, alors que Hats demeure un disque que je chéris, j’avoue n’avoir jamais écouté les deux albums suivants du Blue Nile, Peace at last (1996) et High (2004) mais il n’est bien évidemment jamais trop tard pour bien faire. Le groupe semble s’être éteint comme il a vécu, en toute discrétion, Buchanan réapparaissant l’an dernier avec Mid-air, disque tout en lévitation sur lequel je me pencherais certainement davantage un de ces jours.
1 réponse
[…] pareil. J’ai pour ma part découvert le Blue Nile avec leur deuxième album, le merveilleux Hats (1989) qui occupe une place de choix dans mon petit Panthéon personnel. Mais en découvrant tout […]