Enfants de chœur
Papas Fritas Papas Fritas (1995, Minty Fresh)
Marabout, bout de ficelle… Ayant mentionné les Papas Fritas lors de ma précédente chronique du disque des Concrete Knives, je me suis aperçu que je n’avais pas encore évoqué le trio de Boston dans ces pages et sa pop ensoleillée, si précieuse par le temps qu’il fait.
I was walking, thinking if I had a girl / I could wear some dark sunglasses to shield me from the modern world / So I caught another foreign movie, filmed in my hometown / Drank a lot of coffee and smoked a couple cigarettes and hopped on the inbound
Wild life
Les Papas Fritas se forment en 1992 avec Tony Goddess (quel nom !) au chant et à la guitare, Shivika Asthana à la batterie et Keith Gendel à la basse. En plus de pouvoir s’interpréter comme un hommage aux pommes de terre frites et aux Mamas & Papas, le nom du trio peut se lire phonétiquement comme « Pop has freed us » (la pop nous a libérés) et à l’écoute de leur musique, on ne peut que leur retourner le compliment : ils ont libéré la pop !
I’ll smash this world to pieces / Smash this world apart / Thank God for the seasons / Cause it’s freezing in my heart / Smash this world to pieces / Right from the very last start
Smash this world
Avec ce disque, leur premier album studio, les Papas Fritas réalisent un petit chef-d’œuvre de pop minimaliste mais aux idées formidablement larges, un disque évoquant un drôle de croisement entre les Young Marble Giants (pour le minimalisme opulent) et les Beach Boys (pour les harmonies vocales), avec quelque chose de la spontanéité de la power-pop et du punk. A l’écoute des treize morceaux de cet épatant opus, on reste encore bouche bée devant les petits miracles mélodiques réalisés par cette bande d’enfants terribles. On entend ainsi ici une collection de chansons bonsaï étonnantes, capables d’inventer d’acrobatiques figures avec une composition guitare-basse-batterie pourtant rebattue. La batteuse Shivika Asthana imprime une drôle de dynamique sautillante, bancale et fragile à l’ensemble des morceaux et les illumine de chœurs enfantins et radieux ; on peinera à recenser le nombre de « sha la la » et autres « waouh waouh » qui figurent sur les chansons de l’album. Au final, Papas Fritas compose des mélodies de poche d’une richesse surprenante et d’un charme fou.
I won’t drag you down / I know, it’s only rock and roll
Explain
Difficile de dégager un morceau favori sur ce disque d’une excellence constante, chaque titre pouvant prétendre à notre préférence et la décrochant tour à tour. On cèdera ainsi au charme hypnotique de l’introductif Guys don’t lie et sa ligne de basse rebondie comme à celui de la mini-symphonie Passion play sur laquelle un violon et un violoncelle tissent un fascinant dialogue pour faire planer l’ombre des Beatles. On aimera aussi les bombinettes punk-pop larguées par le trio, ces coups de semonce tirés par cette bande de gamins espiègles emplis d’une foi et d’une énergie en béton. On chérira ainsi ces tonitruants Smash this world, Holiday, Possibilities ou After all, à la fois rugueux et aériens, électriques et éthérés. On trouvera aussi quelques incursions vers le funk (sur le chaloupé Wild life) ou vers la musique hawaïenne (TV movies), de même que des ballades dénudées touchantes au possible (My own girlfriend, le bouleversant Explain ou le génial Lame to be). Papas Fritas compose des chansons en miniature, avec la naïveté d’enfants testant un nouveau jeu de construction et crée son monde à lui, un peu ailleurs, mais sidérant de poésie et de diversité. Un monde à soi qu’on créerait pour éviter un peu les rudesses de la vraie vie, pour grandir moins vite et peindre en couleurs les grosses fêlures qui apparaissent au détour de ces refrains entraînants, tant il est vrai que chaque grand disque de pop ne semble fonctionner qu’avec sa part d’ombre, celui-ci comme les autres.
Changing has changed me / And wine isn’t change cheap / All that left is a phone to call / After, after, after all
After all
Papas Fritas reviendra avec un deuxième album en 1997, Helioself, disque que je redécouvre et qui vaut à mon avis encore franchement le détour, même s’il ne parvient pas à reproduire le miracle de ce premier album. Après un troisième album, Buildings and grounds, paru en l’an 2000 et que je n’ai pas écouté, le trio s’éteindra sans bruit en 2003, après la parution de la compilation Pop has freed us. Le groupe s’est reformé de façon éphémère en 2011 pour donner quelques concerts en Europe et aux USA.
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