London calling
A moins de deux semaines de l’ouverture des JO de Londres, je vous propose ce soir de balayer en dix chansons diverses disciplines et épreuves olympiques, histoire de réconcilier le temps d’une playlist amateurs de sport et mélomanes. A vos marques, prêts, partez !
1. Belle & Sebastian The stars of track and field (1996, If you’re feeeling sinister)
A tous seigneurs, tout honneur, et puisque les athlètes sont les rois de la quinzaine olympique, ouvrons cette sélection avec ce morceau célébrant « les étoiles de l’athlétisme », pièce de choix placée en entrée de cet inépuisable If you’re feeling sinister déjà célébré dans ces colonnes. Pas d’exhibition de fort des halles ici, juste la suprême élégance d’une musculature agile et le souffle aérien d’arrangements haut de gamme pour produire au final une accélération d’une beauté décisive dans la dernière ligne droite, et sans une once de sueur… Du grand art par un Stuart Murdoch alors à son zénith.
2. Vic Chesnutt Marathon (2007, North star deserter)
En 2007, le merveilleux Vic Chesnutt allait mettre son inspiration au défi des tempêtes habitant les mains des francs-tireurs canadiens de Thee Silver Mount Zion Orchestra pour une rencontre sous haute tension créative. Ce Marathon se court ainsi sous un ciel anthracite, dans une atmosphère électrique bâtie par des musiciens habités et qui ne peut qu’imposer un silence admiratif. Bouleversant.
3. The Velvet Underground & Nico Run run run (1967, The Velvet Underground & Nico)
La course reste à l’honneur ici, mais cette fois, le souffle de l’adversaire nous caresse l’échine et la sueur ruisselle sur notre front. Sur cet immense morceau de rock sauvage et lettré, possédé par le démon du blues et les esprits décadents de New York, le plus grand groupe de l’histoire nous force à accélérer le pas et pose par ailleurs les bases de 50 ans de rock sexy et dangereux. Tout l’ADN des Kills et de centaines d’autres vient de là…
4. Nick Cave & the Bad Seeds The hammer song (1990, The good son)
Après les courses, intéressons-nous un instant aux trop mésestimés lancers, de marteau en l’occurrence. Prédicateurs possédés invoquant les cendres d’Elvis, Nick Cave et ses Bad Seeds abattent avec fureur leur marteau comme Dieu sa malédiction, des traits de cordes zébrant le ciel comme des éclairs. Cette éruption de violence fait pour le coup figure d’acte isolé sur ce The good son grandiose où la brutalité semble partout battre sous le cœur des violons.
5. Claude Nougaro Quatre boules de cuir (1968, La maîtresse, 45 t)
Pour illustrer la boxe, quoi de mieux que le swing castagneur du petit taureau toulousain, qui vous fera virevolter et vous enverra dans les cordes d’un uppercut bien placé. On encaissera avec plaisir.
6. William Sheller Basket ball (1987, Univers)
Il faudra décidément que je creuse l’œuvre de ce drôle de bonhomme, véritable outsider talentueux de la variété d’ici. Ce titre introspectif et pudique donne à voir en tous cas les différentes facettes du monsieur, amateur des Beatles et arrangeur à la formation classique en béton, pour un morceau de pop symphonique touchant et brillant.
7. The Smiths Sheila take a bow (1987, Sheila take a bow – 45 t)
Le tir à l’arc est aussi discipline olympique et qui mieux que Morrissey pour décocher quelques flèches bien senties. Pas forcément le meilleur morceau du groupe, ce single bowien évolue quand même plusieurs coudées au-dessus de la mêlée, entre riffs nerveux d’un Johnny Marr d’humeur belliqueuse et la verve « morrissienne » intacte, ici emplie (comme souvent) d’ambiguïté sexuelle (« You’re a girl and I’m a boy / I’m a girl and you’re a boy »). En plein dans le mille.
8. The Nits Swimming (2000, Wool)
J’y reviendrai certainement un jour mais Wool est un authentique bijou, un de plus dans la trop discrète carrière des magnifiques Hollandais qui font briller leurs joyaux depuis maintenant plus de 30 ans. Ce Swimming aquatique scintille en apesanteur, nimbée de la douce mélancolie du chant devenu ami du génial Henk Hofstede, plus proche des entrechats sous-marins de la natation synchronisée que des pectoraux des sprinteurs.
9. Stina Nordenstam Sailing (1999, People are strange)
L’audacieuse Norvégienne s’empare ici d’une scie de Rod Stewart pour la transformer en une espèce de pièce de musique de chambre, élégie pour piano et cordes. Le pari est mille fois réussi et Nordenstam semble ici voguer quelque part dans l’éther, loin de la grandiloquence de la version d’origine. L’ensemble de l’album People are strange est entièrement composé de reprises du même acabit.
10. Stereolab Ping pong (1994, Mars Audiac quintet)
J’avoue mal connaître Stereolab mais difficile d’ignorer la pétulance de cet étonnant Ping pong, qui donne un exemple peu fréquent de pop marxiste, déroulant ses paroles de portée éminemment politique sur des airs de bossa-nova vitaminée. Le résultat est réjouissant et on relancera la balle encore une fois.
En espérant que cette playlist vous aidera à oublier l’affreux Survival, hymne officiel des JO composé par Muse.