Créatures de neige
Miike Snow Miike Snow (2009, Sony)
J’ai emprunté cet album à la bibliothèque proche de chez moi sur la foi du vague souvenir d’une critique positive lue dans la presse spécialisée. Je n’avais jamais rien entendu de Miike Snow avant et je m’attendais – allez savoir pourquoi – au disque folk d’un songwriter barbu. J’avais tout faux! Car si ses membres affichent sur les photos du livret une pilosité respectable, il se trouve que Miike Snow est un trio qui évolue à mille lieues des guitares folk, jouant plus volontiers des synthés pour délivrer une électro-pop mâtinée de psychédélisme. Pas de songwriter fragile ici mais la réunion d’un duo de producteurs suédois – Chris Karlsson et Pontus Winnberg – ayant œuvré sous le nom de Bloodshy & Avant à la conception de quelques tubes planétaires pour de grosses légumes comme Madonna, Kylie Minogue ou Britney Spears (le génial Toxic c’est eux!) et d’un Américain membre du groupe Fires of Rome, le dénommé Andrew Wyatt. Nos trois comparses commencent à travailler ensemble en 2007 pour une série de remixes et, leurs affinités leur semblant prometteuses, ils décident de donner naissance à Miike Snow, baptisé ainsi en référence au cinéaste japonais Takashi Miike.
Au final, le résultat de cette association de professionnels s’avère plutôt réussi même si inégal. Les trois larrons parviennent à dépasser la simple addition de leurs talents respectifs pour se doter de leur identité propre. Et alors qu’on aurait pu redouter la démonstration de savoir-faire désincarnée de producteurs chevronnés, Miike Snow exhibe sur la plupart des morceaux une moelle qui le rend intéressant. Le trio fréquente plusieurs systèmes de la galaxie électro, de la pop carillonnante de Song for no one aux pulsations trance de In search of. Ce titre n’évoque d’ailleurs sans doute pas par hasard le premier album phénoménal de N.E.R.D., autre groupe de producteurs dont Miike Snow se rapproche parfois par son goût pour les hybridations (cf. le lapin à bois de cerf de la pochette) et la conception de créatures mutantes comme sur la soul déviante de Black & blue. Animal réalise le croisement improbable de Bob Mould et des Neptunes tandis que le génial Silvia noie sa mélancolie noctambule dans un club techno. On mentionnera aussi la joliesse bleutée de Sans soleil ou le paradoxal Burial, texte empli d’humour noir (“At your burial don’t forget to cry”) sur mélodie primesautière. Dommage que le groupe se prenne les pieds dans le tapis à une ou deux reprises comme sur l’affreux A horse is not a home ou le pénible Cult logic.
Miike Snow s’est surtout fait remarquer depuis la sortie de cet album par son activité de remixeur, s’occupant de titres de Vampire Weekend, Passion Pit ou Kings of Leon. Je ne sais pas si le groupe continuera son aventure ou si chacun de ses membres retournera à vaquer à ses occupations mais cet album lui a quand même valu une certaine attention, de la critique et du public, notamment aux USA. Ce drôle d’assemblage a priori hétéroclite aura en tous cas livré un album agréable, un peu trop lustré pour vraiment nous renverser mais dont les teintes nocturnes pourront colorer à l’occasion nos humeurs.