Moriarty Gee whiz but this is a lonesome town (2007, Naive)
De Coming Soon à Syd Matters en passant par Cocoon, un vent d’Amérique semble souffler sur la scène française depuis quelques années, comme si toute une génération de musiciens s’était trouvée une parentèle dans les grands espaces américains, assumant sans complexe d’aller tremper son inspiration dans cette intarissable source pour en tirer tous les effets régénérants. On pourrait rattacher Moriarty à ce revival folk-blues made in France sans trop se fourvoyer. Atmosphères asséchées de paysages désertiques, senteurs de saloons emplis de desperados et de filles de joie, le quintette affiche clairement ses influences country et blues, plantant dans notre salon un décor de vieux western avec suffisamment de talent pour qu’on rentre dans le film.
Majoritairement nés en France de parents américains, les cinq Moriarty revendiquent cette culture métissée, et semblent chercher – comme nombre d’expatriés – leurs racines en remontant aux sources de la musique américaine: jazz, blues, folk rural et country. Le groupe plante ses histoires dans un décor d’Amérique fantasmée, mettant en avant les sonorités chaudes de l’harmonica ou de la contrebasse, et s’appuyant surtout sur les possibilités vocales de leur chanteuse Rosemary. Tour à tour femme fatale ou jeune fille perdue (Private Lili), meneuse de revue allumée (Lovelinesse) ou amoureuse éperdue (Cottonflower), la jeune femme use de son chant comme d’un instrument à part entière pour véritablement incarner les mélodies du groupe. Au fil de celles-ci, on croisera quelques arrangements à la Tom Waits, en plus policé cependant.
Le groupe se forme en 1999 mais ce n’est qu’en 2005 qu’il est repéré par Jérôme Deschamps et Macha Makéieff après un spectacle, les créateurs des Deschiens apparaissant d’ailleurs ici à la co-production de ce premier opus. Lancé par le succès du single « Jimmy », Gee whiz but this is a lonesome town parait donc en 2007 et va décrocher une jolie timbale, atteignant des chiffres de vente lui assurant un disque d’or. On a donc affaire à un groupe affichant une certaine maturité et près de dix ans d’expérience, en cela maître de ses effets et sachant parfaitement où il veut amener l’auditeur. C’est d’ailleurs le reproche que je serai tenté d’adresser à cette musique, qui s’apparente parfois plus à un beau décor, une jolie illustration parfois un peu figée dans une imagerie que le groupe semble regarder avec une certaine distance. Moriarty possède cependant suffisamment de talent pour aligner d’indéniables réussites, à commencer par le rustique Jimmy, élevé dans les grandes plaines de l’Ouest américain, ou la touchante Private Lili, petite fille perdue qui pense trouver un sens à sa vie en s’engageant dans l’armée. Sur Motel, le groupe parvient également à nous emporter dans un country-blues impeccable, fleurant bon le saloon. On accordera enfin une mention toute spéciale à la gravité pure du superbe Cottonflower, beau et triste comme un chant de départ et de séparation.
Depuis la sortie de ce premier album, le groupe semble s’être lancé dans une interminable tournée traversant les continents. On a pu cependant les retrouver sur le dernier disque d’Emily Loizeau ou participant au projet The Fitzcarraldo Sessions. J’avoue ignorer si un nouvel opus est en préparation.
A voir ci-dessous Private Lily en session acoustique pour Le Cargo :