Les promesses de l’ombre
Interpol Our love to admire (2007, Capitol)
Les New-yorkais d’Interpol, combo ténébreux costumé de noir, remirent au goût du jour au début de ce siècle les guitares tranchantes, froides et romantiques du post-punk anglais, semblant vouloir ramener sur le devant de la scène les ombres de Joy Division et autres Chameleons. J’ai toujours marqué une certaine réserve vis-à-vis du groupe, ses deux albums me laissant chacun sur un sentiment mitigé, entre fulgurances tendues et saillies prévisibles.
Et bien, il en sera de même avec ce troisième opus paru il y a deux ans. « Nil novo sub sole » diraient nos amis latinistes, si ce n’est cette pochette affreuse. A vrai dire, à première écoute, Interpol apparaît menacé par le vilain syndrome de la redite, le groupe semblant parfois se contenter de gérer petitement ses acquis, de faire platement fructifier sa recette pour ce premier album signé sur une major. Alors, certes, un Interpol routinier vaut toujours mille fois mieux qu’un Obispo à son meilleur, mais le groupe donne parfois furieusement l’impression de tourner en rond, comme à l’étroit dans ses éternels costumes noirs. Ainsi, Mammoth, The Heinrich maneuver ou Who do you think figurent autant de morceaux sans surprise, efficaces mais sans étincelle.
Tout n’est cependant pas si noir et Interpol parvient à marquer quelques points. Ainsi, avec l’introductif et inquiet Pioneer to the falls, le groupe retrouve la magie noire des meilleurs titres d’Antics, nous embarquant pour une lente dérive sous un ciel d’orage. Dans la même veine, Interpol nous gratifie du somptueux Pace is the trick, mais la mayonnaise ne prend pas aussi bien sur le languissant Rest my chemistry, qui évoque quelque chose comme des Pixies qui n’auraient jamais vu la lumière du jour. En revanche, le groupe réussit à faire monter la tension avec l’impérial No I in threesome, sur lequel le chant de Banks se fait d’une sincérité troublante; le belliqueux et nerveux All fired up distribue lui aussi de biens beaux uppercuts. Et puis, en toute fin de course, Interpol vient placer un titre inespéré, The lighthouse, morceau tremblé de lumière et de nuit, plein de silences et de mélancolie, qui laisse à penser qu’Interpol aurait trouvé comme une porte de sortie, un ailleurs.
On attendra donc la suite en gardant en mémoire cette belle promesse…