Le goût et les limites
Ultra Orange & Emmanuelle Ultra Orange & Emmanuelle (2007, RCA)
Il m’est d’avis que beaucoup ont du s’étrangler à la parution de cet album, et ce avant même que de l’avoir écouté. Pensez-donc, une actrice s’acoquinant avec un obscur combo pour faire la chanteuse sur du rock à guitares, il fallait à toutes forces dénoncer le vilain coup marketing, le caprice de star venant fouler de ses gros pieds célèbres la pureté et l’intégrité du rock.
N’étant que peu enclin aux procès d’intentions, je m’en tiendrai ici au résultat, à ces onze chansons composant cet album à la fois agaçant et touchant. Agaçant au premier chef par les évidentes limites vocales de Miss Seigner, couplées avec un accent déplaisant qui plombe une bonne partie de l’album. Rien de révolutionnaire non plus dans la musique. On a déjà croisé cent fois ces guitares amplifiées, ces mélodies poussées sur le bitume, ce rock pour lunettes noires et nuits blanches descendant droit des premiers gestes séminaux du Velvet Underground. On a ainsi à plusieurs reprises l’impression d’écouter une version soft de Black Rebel Motorcycle Club, plus élégante mais moins riche et troublante.
Et pourtant, cette musique parvient à toucher au but sur une partie du disque. On éprouve alors à écouter le groupe le même plaisir qu’à aller voir jouer un petit groupe de quartier dans un bar de centre-ville. Sans prétention, ce disque finit par toucher par cette sorte de naïveté qui s’en dégage, ce goût immodéré pour ce rock-là qu’on ne peut qu’apprécier puisqu’on le partage nous aussi.
Parmi les réussites du disque, on appréciera ainsi l’introductif Sing sing, balançant élégamment entre euphorie et mélancolie. On succombera aussi au charme désuet de Rosemary’s lullaby, entre Luna et Mazzy Star, avec ces guitares vibratiles qu’on prend toujours plaisir à voir enflammer l’air. Le groupe sait aussi toucher au cœur avec le splendide Nobody knows, tout de pudeur et de retenue, ou le très beau One day dont la mélancolie enfantine nous enchante.
Au final, pas un grand disque non, juste quelques chansons touchantes qu’on se plaira à réécouter, et une modestie qui tranche avec les a priori de quelques contempteurs zélés.