La fureur de vivre
The Clash The Clash [US] (1979, Epic)
Pour éclairer le profane et contenter le puriste, il est déjà bon de préciser certaines choses. Le premier album des Clash paraît en Grande-Bretagne en 1977 mais ne paraîtra que deux ans plus tard aux États-Unis, avec une tracklist modifiée, incluant cinq singles parus entre-temps, et non des moindres: Clash city rockers, Complete control, (White man) In Hammersmith Palais, I fought the law et Jail guitar doors. C’est de cette version dont il sera question ici.
On a affaire ici à une œuvre séminale, carte maîtresse du punk-rock déferlant alors sur la scène rock mondiale. Dès le riff de Clash city rockers, Jones, Strummer, Headon et Simonon enjoignent l’auditeur à prendre position, gang rebelle et fort en gueule bien décidé à mettre le vieux monde cul par-dessus tête. Princes du riff, les Clash montent ici d’impressionnantes barricades électriques et dégoupillent leurs morceaux comme autant de grenades incendiaires.
A l’énergie brute du punk, les Clash ont l’intelligence d’adjoindre une ouverture d’esprit rare, devinant très vite la synergie que pourrait produire la collision entre le punk et le reggae, ces deux musiques de combat. On retrouve ainsi dans ce premier album la matrice des grandes œuvres à venir comme London calling, et on y trouve déjà cette insubordination élégante et bravache, en appelant à l’émeute (White riot) dans une Angleterre abrutie d’ennui (London’s burning) .
Les Clash balancent ici une première salve d’hymnes punk explosifs et incendiaires, du génial Clash city rockers à l’urgent White riot, du rageur Complete control (charge cinglante contre leur maison de disques ayant imposé contre leur avis la sortie de Remote control en single) au goguenard Career opportunities (“They offered me the office, offered me the shop / They said I’d better take anything they’d got / Do you wanna make tea at the BBC / Do you wanna be, do you really wanna be a cop? ” ) . Les Clash affichent également leurs accointances avec le reggae en reprenant Police and thieves de Junior Murvin et en se fendant surtout de l’immense (White man) In Hammersmith Palais, un de mes morceaux préférés du groupe. On retiendra aussi l’extraordinaire I fought the law, éclatant comme une supernova irradiant du même éclat à chaque écoute.
Avec ce premier chef-d’œuvre brut, les Clash démontraient une fois de plus que la colère mariée à l’intelligence en devient cent fois plus percutante. Ils posaient surtout la première pierre d’une œuvre fertile, qui culminera plus tard à d’autres altitudes.