Citizen Kane

Miles Kane Colour of the trap (Columbia, 2011)

Miles Kane - pochette de Colour of the trap

Après avoir consacré des mois durant nombre de soirées au classement de mes 200 chansons francophones préférées – et après quelques congés bien mérités (si, si) – je reviens aujourd’hui à « mes fondamentaux », en retrouvant le plaisir simple de la chronique de disque, loin de toute actualité musicale et de souci promotionnel.

Faute d’avoir repéré son nom dans les précédentes formations du bonhomme – les très obscurs Little Flames et les moins obscurs Rascals – les amateurs et amatrices de la chose pop n’auront pu passer à côté de Miles Kane dans son rôle de moitié des Last Shadow Puppets, aux côtés du beaucoup plus médiatique Alex Turner. Après avoir fréquenté la Champions League avec l’exceptionnel The age of the understatement, le petit gars de Liverpool se voyait mal repartir arpenter les terrains de deuxième division avec ses Rascals et il entreprit rapidement de rompre son contrat pour s’en aller voler de ses propres ailes, en profitant de l’impulsion acquise sous l’égide d’Alex Turner.

I wanna make your smoke and kisses black and white / Measure all your spinning whispers in the loose moonlight / Magic from your fingers tingles down my spine / Colour in between the lines

Rearrange

Soyons franc d’entrée, si Colour of the trap se nourrit aux mêmes influences racées que le premier LP des Last Shadow Puppets, il est assez loin de fréquenter les mêmes vertigineux sommets. A première vue – et même à la deuxième – , ce premier opus de Miles Kane propose une pop-rock anglaise de facture on ne peut plus classique, qu’on pourrait probablement qualifier de « brit pop » malgré l’anachronisme. Des chansons comme celles-là, on a l’impression d’en avoir entendu des centaines et même si le genre nous sied, on pourrait reposer le disque sous la pile et passer à autre chose. Pourtant, au fil des derniers mois, Colour of the trap s’est révélé suffisamment accrocheur pour qu’on en vienne à l’écouter plus que de raison, avec son drôle de mélange d’arrogance et de modestie. Arrogance car Miles Kane s’y entend pour occuper le terrain avec ce qu’il faut de morgue et de forfanterie, à la manière de nombre de lads de Liverpool. Modestie car le garçon ne prétend rien d’autre qu’à délivrer des chansons pop de facture classique, calibrées autour de trois minutes et multipliant les références aux grands anciens de la pop.

I can feel you searching ’round my brain / Looking for a way to make a wave / Floating out and in, and in and out again / ‘Til our falling thoughts cascade together

Telepathy

Ce parti-pris constitue la principale limite d’un album qui ne parvient pas à sublimer ses influences avec la dose de génie qui vient rehausser les disques de quelques autres orfèvres pop grandis au bord de la Mersey, des La’s à The Coral. Néanmoins, Miles Kane se révèle suffisamment malin – et doué – pour trousser une bordée de chansons redoutablement efficaces, jamais poussiéreuses malgré le poids de l’héritage, auxquelles il insuffle une énergie roborative. Le bonhomme a la chance également de pouvoir mobiliser un carnet d’adresse de premier choix, de Dan The Automator à la production de plusieurs titres à la collaboration active de Gruff Rhys (Super Furry Animals) ou Noel Gallagher. On n’omettra évidemment pas de mentionner la présence de l’acolyte Alex Turner qui co-écrit une bonne moitié des morceaux, et pas les moins bons.

Girl, I’m in trouble / Wish you’d just get it together and read my mind

Colour of the trap

Au final, que retenir de tout cela ? Miles Kane a l’intelligence de soigner son entrée, avec un Come closer bagarreur à souhait, suivi du rutilant Rearrange avec son irrésistible ligne de clavier. S’ensuit une ballade joliment aérienne, My fantasy, curieusement allégée par la contribution de Noel Gallagher aux chœurs. Ces trois premiers titres passés, l’album alternera les hauts et les bas. Si Kingcrawler ou Inhaler essaient sans grand succès de s’imposer en force pour finalement se prendre un peu les pieds dans le tapis, Quicksand emporte le morceau avec une vitalité pas si loin de Supergrass, tandis que Happenstance séduit avec une classe toute « barryesque », figurant une chute tout à fait digne du premier album des Last Shadow Puppets. Cette forme d’urgence et ces teintes de film noir se retrouvent sur l’excellent Telepathy mais la sauce prend moins sur le poussif « Better left invisible ». Enfin, après s’être fourvoyé avec le trop sirupeux Take the night from me, Miles Kane retrouve la flamme romantique avec le conclusif Colour of the trap, petite merveille de slow mouillé joué avec toute l’implication nécessaire. L’album se termine sur une note bleutée laissant dans nos tympans une touche céleste du plus bel effet.

Riding on this wave of blue sequins / You’re shimmering / Tango, foxtrot, I’m in trouble / Can you hear the clammer laughter and louder?

Quicksand

Si Colour of the trap ne saurait donc prétendre au rang de chef-d’œuvre, il constitue un fort plaisant « disque du milieu », collection de chansons dignes et joliment ouvragées dont on apprécie les saveurs simples et classiques. J’avoue n’avoir jeté qu’une oreille distraite aux réalisations du sieur Kane depuis ce premier effort discographique. Pour les intéressé·e·s, vous pourrez vous reporter à Don’t forget who you are (2013) et Coup de grace (2018).

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