Norwegian wood
Thomas Dybdahl Science (2006, Recall)
Comme je l’avais mentionné, mon précédent billet sur le remarquable One day you’ll dance for me, New York City du Norvégien Thomas Dybdahl devait initialement porter sur ce Science, premier album grâce auquel j’ai pu découvrir la bienfaisante musique du bonhomme. Pour démontrer à mes fidèles lecteurs et lectrices que je garde de la suite dans les idées, il sera donc question ce soir de ce quatrième opus du sieur Dybdahl, qui mérite lui aussi largement le détour.
Sometimes people need to be deceived / Tricked around and messed around with / All for the sake of common good and glory / It’s what they need you to believe
Maury the pawn
J’évacuerai rapidement les maigres éléments biographiques dont je dispose et que j’avais quelque peu négligé la fois dernière : naissance à Sandnes (Norvège) en 1979 et quelques armes de guitariste chez les obscurs Quadraphonics mais ce sera tout et ce n’est au fond pas très important. Là où One day you’ll dance… évoluait dans un magnifique clair-obscur, Science se joue en pleine lumière, une lumière de printemps ensoleillé, quand le ciel est bleu et que quelques nuages passent tout là-haut poussés doucement par une brise exquise. Dybdahl démontre une fois de plus ses dons d’alchimiste, passant avec une fluidité étourdissante de la soul au folk, de la pop bucolique à une Americana mâtinée de teintes jazzy. Souffle sur cette musique un rafraîchissant vent de liberté délicate qui caresse et enveloppe. On entendra ainsi des suites d’arpèges cristallins semblant puiser directement à la source Nick Drake, des trémolos de pedal steel à rendre Lambchop jaloux et toute une orchestration à la fois riche et sobrement tenue, usant avec finesse du piano, du violoncelle ou de l’accordéon. Au final, le Norvégien livre un disque tendrement mélancolique, de bois vert et d’eau pure, dont les onze titres procureront à l’auditeur de belles rêveries ourlées de bleu ciel.
I want you, I wanna touch you / And feel your skin / Do you want me, ’cause I could stay / If you need some company ?
No one would ever know
On citera par exemple l’introductif Something real et ses percussions domestiques, qui s’ouvre comme un hommage à Nick Drake avant de prendre une tournure plus biscornue et des inflexions jazzy déstructurées. Impossible de passer à côté le somptueux How it feels qui dévale comme un ruisseau printanier tandis que l’aérien No one would ever know flotte comme une bulle de savon. Cette souple limpidité illumine également Maury the pawn et Be a part, mélodies imparables à siffler sous la douche. Dice célèbre un incongru mariage entre Mark Eitzel et Vashti Bunyan (avec Neil Young à l’office), tandis que le splendide U, chef-d’œuvre de soul blanche évoque sans rougir le Lambchop en apothéose de Nixon – falsetto inclus – tandis que This year en remontrerait au pourtant très bon Ray Lamontagne. Au-delà de toutes ces influences, Thomas Dybdahl parvient à creuser sa propre voie, subtile et inventive, racée et séduisante en diable. Comme le chantait un certain groupe de Liverpool (avec un sens autre il est vrai) : “Isn’t it good Norwegian wood ?”. On ne pourra que répondre par l’affirmative.
I got my heart broken / My fears awoken / My beliefs shaken / And my dignity taken / But am I wrong to assume that the world is absurd / When religion comes first and knowledge comes third
This year
Curieusement, je n’ai jamais véritablement cherché à aller plus à fond dans la discographie du Norvégien avant tout récemment. J’essaierai d’aller écouter de plus près ces Waiting for that one clear moment (2010) et What’s left is forever (2013) qui, pour passer relativement inaperçus par ici, ont continué d’atteindre les sommets des charts norvégiens. Heureux pays qu’on vous dit.