The Field Mice Snowball (1989, Sarah)
Pour vous parler de The Field Mice, je devrais vous parler de Sarah. Pas Sarah Connor, non, Sarah Records. Sarah était un label farouchement indépendant qui se gagna une place précieuse dans les cœurs fragiles des amateurs de pop entre 1987 et 1995. Certains en gardent à coup sûr encore un souvenir éploré. Sarah aimait publier des 45 tours vinyles emballés joliment dans des pochettes uniques en leur genre et affichait un militantisme indie à toute épreuve. Je devrais vous parler de tout cela. De noisy-pop un peu, de shoegazing beaucoup, de ces jeunes gens timides qui gardaient les yeux rivés sur leurs chaussures durant leurs prestations scéniques et masquaient la confusion de leurs sentiments de jeunes adultes derrière des mélodies passées aux larsens. Je devrais parler de tout cela mais l’honnêteté m’oblige à avouer que je connais tout cela plus par ouï-dire que par ouïr. A l’époque, Sarah semait ses fleurs dans d’autres jardins que le mien. La seule musique que j’écoutais (assidument) se déversait à longueur de journées sur les ondes mainstream des FM et mes pérégrinations ultérieures dans l’histoire de la pop et du rock ne me conduisirent pas vers ces territoires-là. Si j’ai depuis croisé la route de quelques-uns des hérauts fréquemment rattachés à la scène shoegaze (Moose, My Bloody Valentine, The Boo Radleys…), ce qui les sépare m’apparaît plus évident que ce qui les rassemble.
The Field Mice fut à l’origine un duo (anglais) unissant Robert Wratten (chant et guitare) et Michael Hiscock. Le groupe fit paraître son premier 45 tours chez Sarah en 1988 et vit son cercle de fans s’élargir et s’affermir au fil des singles publiés. C’est avec un de ces EP que je découvris le groupe il y a quelques années, le formidable Sensitive, tourbillon vivifiant et hypnotique naviguant quelque part entre les Feelies et les Bats. Devant le succès du combo, Sarah dérogea à sa politique de singles et le groupe enregistra donc ce premier album, Snowball, paru en 1989.
En huit morceaux et un peu plus de trente minutes, The Field Mice livre une pop oscillant entre nébuleux et ligne claire, semblant chercher sa voie entre les tempêtes soniques de My Bloody Valentine (White) et les airs bucoliques des Feelies de The good earth (Everything about you). Le résultat s’avère parfois charmant (This love is not wrong) et The Field Mice aligne ainsi quelques morceaux de belle facture pop comme le roboratif (et intranquille) You’re kidding aren’t you ou le pur Couldn’t feel safer qui ramène à nos oreilles le souvenir des Catchers. Cette joliesse constitue d’ailleurs à la fois la force et la faiblesse du disque, certains titres évoluant sur la ligne ténue séparant la légèreté (la gracilité) de l’inconsistance, au risque d’y tomber franchement à l’occasion (End of the affair). On accordera une oreille attentive à l’introductif et hypnotique Let’s kiss and make up qui s’avère au final assez troublant.
Le disque me laisse quand même une curieuse sensation, agréable sans être jamais vraiment bouleversant. On s’entichera donc ou on soupera alternativement de ces morceaux de pop qu’on trouvera tour à tour d’une fraîcheur exquise ou d’une agaçante naïveté. Dommage que l’album n’atteigne pas les sommets ignés de Sensitive ou la grâce de certains autres singles du groupe. Au final, The Field Mice s’apparente à une drôle d’étoile un peu brouillée et tremblante, à côté duquel on pourrait passer sans y prendre garde, mais dont la lumière évanescente mérite quand même le coup d’œil.