Idiot brother par The Auteurs, sur l’album New wave (1993, Hut)
Difficile d’imaginer le rock et la pop sans guitare, notamment sans guitare électrique. L’instrument n’est pas absolument indispensable à la chose rock et peut gagner à se faire discret ou à carrément se taire, mais nombre de mes artistes de chevet ont su faire résonner les cordes de leurs guitares au diapason de mes cordes sensibles. De Lou Reed à Neil Young, des Smiths à Joy Division, de Richard Thompson à Sonic Youth, ces cordes grattées, pincées, caressées ou fouettées ont souvent agi sur moi comme le catalyseur de toutes mes énergies, l’arc électrique suscitant autant de frissons que de sensations fortes.
En 1993, les Auteurs, menés par le mordant Luke Haines, livrait avec New wave un premier album magistral, sur lequel on retrouve probablement les guitares les plus classieuses de la décennie. Parmi cette douzaine de chansons d’une excellence constante, Idiot brother brille pour moi d’un éclat particulier. J’ai découvert le morceau dans une des rares boîtes qui diffusaient alors de la pop et de l’indie-rock et, pendant des mois, dans cette époque sans Internet, j’ai gardé en tête ce riff racé et coupant sans savoir d’où il venait. C’est en découvrant ce disque hautement recommandé par Les Inrocks que je pus mettre un nom sur l’auteur – les Auteurs – de cette chanson prodigieuse.
Idiot brother tourne autour d’un riff absolument grandiose, qui sert de trait d’union entre le refrain et les couplets. Pendant ces derniers, tandis que Luke Haines semble s’atteler à la description d’une relation toxique, entre deux personnes qui, apparemment, ne se tirent pas vers le haut, les guitares bouillonnent et s’échauffent, enveloppant le morceau d’un halo de tension d’une élégance flamboyante. La morgue du chant de Luke Haines, relève le tout d’un surplus de rage tenue, qui semble irradier de chaque note sans jamais exploser. Plus de trente ans après, Idiot brother demeure ce bloc radioactif énergisant et New wave une merveille de disque à guitares, éclaireur avancé et irrattrapable de la brit-pop naissante, que Luke Haines ne cessera d’ailleurs de conchier dans les années qui suivront.