Laissons un peu de côté aujourd’hui les chansons des années 1990 pour poursuivre le fil de mes sélections d’albums par année. Nous en étions donc à 2009 et j’ai peine à croire que cela paraisse déjà si loin. Si le choix fût évident pour les 6 ou 7 disques chapeautant ce florilège, j’avoue avoir eu un du mal à faire le tri dans une masse indistincte d’une dizaine d’albums qui auraient pu prétendre à figurer dans ce top. Grizzly Bear, Atlas Sound, Cass McCombs, M. Ward, Timber Timbre voire Miossec feraient des prétendants tout à fait valables mais il fallait bien faire un choix. La sélection du jour sera essentiellement masculine, seule Romy de the xx insufflant une maigre présence féminine. Elle fera aussi la part belle aux artistes français, avec 3 d’entre eux trustant le top 5. Elle se compose quand même largement de valeurs sûres voire de marottes personnelles (Callahan, Dominique A) avec la particularité de comporter deux projets d’acteurs hollywoodiens, Jason Schwartzman et Ryan Gosling. Un très grand disque plane sur l’ensemble, un des plus beaux de ce quart de siècle à mon sens, mais le reste n’est pas mal non plus. Retournons donc 16 ans en arrière et n’oubliez pas de cliquer sur les titres des albums pour écouter un extrait.
A côté de sa carrière hollywoodienne, l’acteur Jason Schwartzman se pose en héraut d’une pop modeste et mélodique sous l’alias loufoque de Coconut Records. Le deuxième album de ce drôle de groupe est un brillant condensé de pop sous haute influence 60’s, nourrie de Kinks, Beatles et autre Donovan. Le résultat est une belle réussite humble et lumineuse, trente minutes d’airs à siffloter au soleil ou sous la douche dont l’écoute assurera votre dose quotidienne de vitamine D.
Cachés sous un costume d’Halloween, Ryan Gosling et Zach Fields mettaient sur pied un projet aussi inattendu qu’épatant. Chorale d’enfants et claviers tournicotants accompagnent des mélodies grand format et installent une fête foraine sur un cimetière hanté. Un faux disque de film d’horreur qui préfère les arc-en-ciels aux rideaux noirs.
Sur son sixième album, le classieux Richard Hawley poursuit sa quête de beauté et de style, résolument hors du temps et précieusement indispensable. Sous ses abords monochromes, Truelove’s gutter révèle des trésors délicatement chantournés : mélodies impeccables, arrangements subtils jouant à merveille de l’espace et du silence, hauteur de vue et profondeur de champ… Comme disent les jeunes : c’est stylé !
Avec ce premier album remarquable et remarqué, ce trio anglais faisait d’une new-wave minimaliste l’écrin de chansons d’amour cotonneuses et sublimes. Dans une brume spectrale, les voix d’Oliver Sim et Romy Madley Croft se livrent à un fascinant dialogue amoureux, sur une bande-son magnifique de dépouillement inventif bâtie par l’architecte en chef Jamie Smith. Un grand disque sismique et sensuel, comme le chantait Bashung.
Anglo-italien francophile installé dans les Cévennes, Piers Faccini livre une musique à l’image de ce qu’on peut figurer de son parcours : voyageuse et sans collier. Le bonhomme livre surtout un disque à la beauté majuscule, entre blues rural, folk pastoral finement orchestré et sonorités d’Afrique de l’ouest et atteint une forme de sommet, après deux premiers albums déjà de haute tenue. Un disque précieux comme la lumière du jour.
Célébré autant par le public que par la critique, La superbe est un album impressionnant, aux ambitions rarement vues dans la musique d’ici et qui s’impose en majesté comme une forme de classique instantanée. Sans doute moins bouleversant que son prédécesseur malade, Trash yéyé, La superbe n’en demeure pas moins un formidable coup de maître, monument convoquant aussi bien Gainsbourg que NTM, Trénet que Morrissey. Assurément superbe.
Faisant suite à son déjà formidable Plus de sucre de 2004, Clair confirmait JP Nataf comme un des plus passionnants libre-penseurs de la musique d’ici. Pour paraphraser Guy Béart, les chansons de JP Nataf courent comme le ruisseau que les enfants poursuivent, traçant d’incessantes lignes de fuite. D’une densité peu commune mais grand ouvert sur le monde, Clair est un disque-doudou au milieu duquel trône une chanson unique, Seul alone, flux de conscience sidérant qui nous emporte à chaque fois dans son flot torrentiel.
Les deux gars de Kings of Convenience revenaient 8 ans après un formidable premier opus comme si rien n’avait bougé, réussissant même la gageure de faire encore mieux que leurs pourtant mémorables débuts. Avec leurs arpèges tout en mélancolie sensuelle, leur acoustique rêveuse, leurs airs de bossa-nova mêlés de folk lumineux, les Norvégiens voyageurs ancraient une nouvelle poignée de chansons dans nos coeurs énamourés, des mélodies à siffler les yeux vers l’horizon, le coeur légèrement froissé mais le sourire aux lèvres.
Prenant le contre-pied des grands espaces et du lyrisme grandiose de L’horizon, Dominique A renouait peu ou prou avec le mode solo de La fossette, avec davantage de moyens néanmoins. Le disque sonne au final comme une forme de synthèse de près de vingt ans d’aventures musicales, affirmant un peu plus la posture sans égale du Nantais dans la chanson d’ici et dans nos paysages intimes. Entre sonorités indus, textures électro et mélodies grand angle, Dominique A livrait un de ses meilleurs albums, portés par deux immenses chansons : Le sens et La musique. En pleine frénésie artistique, le bonhomme se permettait même de doubler la version originale de l’album en lui adjoignant La matière, multipliant le bonheur de ses auditeurs.
Grand habitué de l’excellence, Bill Callahan livrait avec ce deuxième album enregistré sous son nom un nouveau chef-d’oeuvre, peut-être sa plus belle réussite. Sur un tapis subtil de cordes et de cuivres, les chansons du taciturne Américain semblent planer au-dessus du commun des mortels, découvrant les vertiges de l’élévation. Au final Sometimes I wish we were an eagle sonne comme un accomplissement, l’aboutissement d’un chemin chaotique et torturé vers une forme de sérénité. Le trouble et l’inquiétude sont toujours là mais leur ombre portée n’assombrit plus l’ensemble, et ne fait au contraire que rehausser la beauté des lumières qui le nimbent.