1 année, 10 albums : 2007

Penchons-nous aujourd’hui sur dix albums remarquables (de mon point de vue) parus en 2007, afin de poursuivre ma série de tops 10 annuels depuis l’année de ma naissance. On aura connu des années plus riches en chefs-d’œuvre mais 2007 se révèle au final un millésime assez dense, au sein duquel il n’a pas été facile de départager dix albums, tant plusieurs auraient pu mériter une citation. On pensera ainsi au Back to black d’Amy Winehouse, au deuxième album d’Arcade Fire ou encore aux parutions d’Of Montreal ou de Blonde Redhead. Au bout du compte, d’un point de vue géographique, les États-Unis continuent de dominer mes goûts en trustant la moitié des places de cette sélection, sachant que la musique francophone parvient à placer deux représentants. Les femmes sont un peu plus nombreuses qu’elles ne l’étaient dans les tops des années précédentes, entre figure confirmée (PJ Harvey), valeur montante (Laura Veirs) et brillante révélation (Alela Diane). L’ambiance n’est pas forcément très festive mais la mélancolie se pare souvent des couleurs de l’apaisement, nombre des albums ici présents se révélant bien plus lumineux que ténébreux. Je vous laisse en juger par vous-même.

Pour la bande originale du merveilleux film de Christophe Honoré, l’excellent Alex Beaupain livrait une idéale collection de chansons pop en français, rehaussée par la production impeccable du précieux Frédéric Lo. Entre gravité et légèreté, désespoir et renaissance, ces morceaux interprétés par les acteurs du film trouvent la justesse parfaite pour dire et chanter l’amour qui passe, la mort qui guette et la vie qui demeure.
Septième album solo du quintet d’Oxford, In rainbows donne à voir un Radiohead plus apaisé que sur ses albums précédents, humble et romantique comme rarement. Le groupe laisse de côté ses velléités de grand incendiaire et se resserre sur un songwriting d’apparence plus modeste, tout de calme lumineux et de contemplation inquiète. S’il ne joue plus les Prométhée, Radiohead démontre qu’il n’a en rien perdu la flamme.
Trois ans après le génial Carbon glacier, Laura Veirs s’affirmait définitivement comme une figure majeure de la scène folk-rock US avec ce disque d’une limpidité éclatante. Ici, la jeune femme semble camper joliment au cœur même de la musique, vecteur agissant d’une tradition qu’elle sait respecter sans soumission dévote. Entre acoustique et électrique, et accompagnée d’un groupe impeccable de présence, Laura Veirs scintille sous les lumières conjuguées du feu et des étoiles, pour un disque d’une cohérence bluffante.
Avec ce premier album impressionnant, hanté de voix et de fantômes, l’Américaine Alela Diane se révélait au monde en s’appropriant avec une imposante maîtrise une musique bien plus vieille que ses 23 ans. Dépouillés mais jamais pauvres, ces morceaux à l’âme vibrante brûlent d’une intensité peu commune, portés par le chant à la clarté coupante de la jeune femme, qui semble intimer le silence au monde qui l’entoure pour mieux en extraire la sagesse et la violence cachées.
Figure de la scène anti-folk new-yorkaise, Jeffrey Lewis ravale ici la façade du bunker des furieux anarchistes anglais de Crass. Il transforme le plomb des brûlots originaux en dorures finement ciselées, reposant sur les atours traditionnels de la grande geste folk: guitares acoustiques en liberté, arrangements subtils… Avec tout cela, il parvient à ne pas perdre une once de la puissance contestataire des originaux, qui passe d’autant mieux qu’elle n’est pas enfouie sous une tonne de bruit blanc. Un précieux travail d’alchimiste.
Bien avant les louanges et les acclamations qui allaient accompagner La superbe deux ans plus tard, Benjamin Biolay livrait avec ce Trash yéyé un grand disque baigné d’une lumière noire et intense rarement vue dans la musique d’ici. Jouant sur la gamme de toutes ses influences (du hip-hop à la chanson française en passant par le rock indé des années 1990), Biolay creuse les noirceurs et les désillusions des rapports amoureux pour en tirer un disque perclus de romantisme malade, d’une grâce bancale souvent sidérante de beauté et qui s’avère encore aujourd’hui sans doute le sommet de la discographie pourtant riche du bonhomme.
Entre punk, post-punk, électro, dance-music et rock indé, James Murphy nous offrait ici un disque jouissif et mélancolique, bordélique et pourtant d’une précision diabolique, s’adressant autant à la tête qu’aux jambes. Sound of silver est aussi un disque éminemment new-yorkais, qui semble se nourrir du chaos inquiet des nuits de la Grosse Pomme, alors que flottent encore dans l’air les cendres des tours jumelles. Et avec All my friends, LCD Soundsystem donnait naissance à un classique instantané, immense chanson à la mélancolie confuse et à l’irrésistible force hypnotique.
Disque parfois mésestimé de la grande PJ, White chalk est une fascinante cavalcade hantée, quelque part entre Kate Bush et Nick Cave. Le disque se joue dans un noir et blanc expressionniste du meilleur cru, dans lequel l’ombre portée par les chansons est aussi riche que la lumière qu’elles émanent. Un grand album de secrets et de mystères, tout de lyrisme tendu.
Le groupe de Liverpool repousse encore ses limites et atteint à de nouveaux sommets de son parcours sans tâche. Chaque chanson semble ici taillée dans l’étoffe des meilleurs groupes du coin cousue aux mélodies d’orfèvre de l’âge d’or du son west-coast, Byrds en tête. Mélodies et harmonies scintillent alors de concert sous nos yeux ébahis dans une profusion de bijoux digne des vitrines des meilleurs diamantaires et The Coral figure bien les plus fins joailliers de la pop moderne.
Né littéralement sur les cendres des attentats du 11 septembre dans lesquels Perkins eut la douleur de perdre sa mère, Ash Wednesday est de ces disques miraculeux qui vont chercher la lumière au plus profond de la peine, grave sans jamais être pesant pour un tour de force d’une puissance émotionnelle inouïe. Sur une base folk, Elvis Perkins greffe avec une finesse infinie une orchestration riche et nuancée, usant de main de maître d’arrangements somptueux de cordes, cuivres et percussions. D’un geste délié et aérien, il compose ainsi une poignée de chansons fabuleuses, autel aux disparus autant que célébration de la vie qui résiste.

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