1 année, 10 albums : 2008

Vous pourrez y voir un art du décalage ou une vaine prétention à ne jamais vouloir faire comme tout le monde mais, à l’heure des traditionnels bilans de fin d’année, je conclurai ce millésime 2024 en poursuivant mes tops 10 annuels et en reprenant donc où je m’étais arrêté, soit l’an de grâce 2008. Cette sélection fait plus que jamais penser à un échange transatlantique, puisque les États-Unis (classiquement) et la France (moins classiquement) se partagent 9 des 10 places de ce classement, l’Angleterre parvenant à décrocher un strapontin in extremis avec les Last Shadow Puppets. Les filles sont malheureusement absentes et, étonnamment, même sur le banc des remplaçants, il n’y a guère que Beth Gibbons avec Portishead qui approche des places d’honneur. Les albums de Foals et de Nick Cave n’auront pas été loin mais 2008 permettait de mettre en valeur une palanquée de fortes têtes et d’esprits aventureux autant que d’orfèvres aux doigts de fée, mais mes habitués et habituées commencent sans doute à connaître mes goûts. Bref, c’était il y a 16 ans et c’était bien mais 2024 ne fût pas mal non plus. On y reviendra en temps voulu. Je vous souhaite de belles fêtes de fin d’année.

Produit par une moitié de Daft Punk, le quatrième album studio de l'épatant barbu nous embarque dans une odyssée moite et sensuelle, gorgée de synthés luminescents et de râles orgasmiques. Sous ses atours kitsch, l’album se révèle le plus souvent emballant, et recèle quelques pics à la beauté vertigineuse, ne serait-ce que le terrassant L’amour et la violence terminal.
Ce Géorgien (d’Athens, USA) offrait avec ce premier LP lumineux une merveille de pop orchestrale, au romantisme étourdissant. Rappelant les grandes heures d’un Colin Blunstone, ces 10 morceaux se vivent et s’écoutent en plein soleil au point que leur incandescence semble parfois nous éblouir autant que leur auteur. Un disque rempli d’innocence douloureuse qu’on traverse tel un rêve éveillé.
Avec Bleu pétrole, Bashung revenait à une certaine forme de classicisme après les expériences hallucinées du fantastique L’imprudence . Flanqué notamment de Gaétan Roussel, Joseph d’Anvers et Gérard Manset, l’Alsacien livrait surtout un nouveau disque en majesté, à la minéralité imposante, sur lequel son chant caverneux ouvrait d’imposantes trouées de lumière. Un grand disque trouble et limpide à la fois, le dernier d’un géant.
Aussi étrangère aux sirènes de la mode qu’aux salons des barbiers, cette troupe hirsute menée par Robin Pecknold propose ici une merveille de folk choral dont les chansons semblent chacune bien plus anciennes que leurs auteurs. Cette musique d’un autre temps emprunte autant aux Beach Boys qu’aux harmonies médiévales. Les Fleet Foxes chantent comme pour exorciser leurs peurs, braver l’inconnu, et faire corps, ensemble, pour faire face à tout ce qui menace et écrase. Et c’est d’une beauté sans nom.
Paré de ce drôle de pseudonyme hivernal (pour les francophones), Justin Vernon revenait d’une rupture amoureuse et d’une longue convalescence avec cet album de folk intimiste dont la beauté n’a pas pris une ride. Tremblantes et fragiles, belles comme le givre qui fige les paysages, ces chansons semblent dire la douleur du retour au monde et l’effort patient de reprendre pied. Voix dédoublées, acoustique gelée, For Emma, forever ago s’attarde un instant sur ce qui fût pour mieux filer résolument en marche avant, comme un dernier regard vers ce qu’on ne sera jamais plu.
Nouveau tour de force de l’OVNI de la musique d’ici, Aimer ce que nous sommes se déroule comme un énième voyage au bout de la nuit, en compagnie de ce noctambule invétéré. Entre blues cosmique, variété lyrique et expériences sonores, Christophe se révèle encore une fois génial metteur en sons, grand malaxeur de formes et de textures.
Si le personnage est devenu peu ou prou infréquentable et malgré mes connaissances plus que lacunaires du rap et du hip-hop, 808s and heartbreak demeure toujours pour moi un disque bouleversant. Avec ses beats engourdis et ses nappes neurasthéniques, l’album figure un sommet dépressif et fracturé, West portant aussi bien les stigmates d’une rupture amoureuse que du décès de sa mère. Vision un brin voyeuriste d’un homme qui tombe, 808s and heartbreak témoigne surtout d’une immense solitude contre laquelle on se réchauffera pourtant parfois, grand disque ami de nos moments blafards.
Sous les auspices de Scott Walker ou de Love, Miles Kane et Alex Turner (tête pensante des Arctic Monkeys) livraient un album foudroyant et fiévreux, au souffle dévastateur faisant tourner des mélodies impeccables dans les tempêtes et les drapés dressés par le génial Owen Pallett. Référencé mais jamais passéiste, The age of the understatement est un disque majuscule et vivifiant, au lyrisme vertigineux et puissamment addictif.
Les New yorkais de TV On The Radio relevaient sur ce troisième LP la gageure de surpasser encore d’un cran l’inventivité abrasive de leurs deux premiers albums, largement célébrés dans ces pages. Organique et cérébral, leur musique bouillonnante continue de tracer un sillon aventureux et électrique et confirmait qu’on tenait avec eux en ces années 2000 l’un des laboratoires les plus sexy du rock et de la pop. Fondamental.
Dans ma chronique d’il y a 16 ans, j’indiquais que ce premier album de MGMT ne postulerait sans doute pas au rang de disque de l’année malgré toutes ses qualités. Après 16 ans à avoir tenté d’en faire le tour sans jamais pouvoir l’épuiser, je mange mon chapeau avec bonheur et célèbrerai aujourd’hui la folle inventivité et la profondeur de ces chansons magistrales. Mélodies imparables, constructions d’équilibriste, énergie communicative, on retrouve tout ça et plus encore dans ce qui reste tout simplement un sacré coup de maître.

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