14/250. Venus as a boy

Venus as a boy par Björk, sur l’album Debut (1993, Island)

Alors que je célébrais, la semaine dernière, les vertus de la gravité avec Sorrow’s child de Nick Cave, je m’autoriserai, ce soir, un virage à 180 degrés avec ce titre aussi aérien que lumineux, issu du toujours aussi réjouissant premier opus solo de la fantastique Islandaise. En troisième position de ce disque mêlant avec une pertinence rare l’intelligence et les émotions, Venus as a boy résonne comme un hymne à la beauté aussi gracieux qu’enivrant.

Sur un mid-tempo langoureux mené par une basse qui chaloupe sur la pointe des pieds, Björk se fait voyeuse d’une séduction en cours, partageant sans participer toute l’électricité et la sensualité d’un moment suspendu. C’est bien une forme de magie éphémère que l’Islandaise parvient à attraper, à garder un instant dans le creux de ses mains et qu’elle prend plaisir à libérer pour la voir s’élever et irradier les protagonistes du morceau. Björk parvient à saisir l’alchimie ouvertement sexuelle qui bouillonne sous ses yeux (His witty sense of humour / Suggests exciting sex) et à capter l’impatience sereine qui habite celles et ceux qui savent que quelque chose de bon va se produire. Dieu sait qu’on a rêvé quelque fois à l’époque que quelqu’un nous voit comme l’interprète de la chanson.

La beauté se déverse sur l’observatrice autant que sur l’auditeur, à la manière de ces cordes indianisantes qui cascadent autant qu’elles étourdissent. Alors férue de sonorités indiennes, qu’on retrouve à plusieurs reprises au fil de Debut, Björk peut s’appuyer ici sur le précieux Talvin Singh, qui dirige les parties de cordes d’une main de maître. La production de Nellee Hooper assure un juste équilibre et confère au morceau son côté aérien sans qu’il ne perde en substance. Bien entendu, le chant de Björk constitue la pièce maîtresse de l’ensemble, capable d’exprimer dans un même élan le désir et la candeur, la plénitude et la sensualité. Entre l’ivresse et la caresse, Venus as a boy évoque la chaleur qui monte aux joues et les frissons qui parcourt le corps, fascinant chaud et froid qui révélait le talent bien affirmé d’une jeune femme aussi sûre d’elle-même qu’ouverte à l’aventure. On retrouvera évidemment Björk dans cette sélection.

Je vous invite par ailleurs à jeter un œil au clip de Venus as a boy, plaisir culinaire, sans doute moins maîtrisé, mais autrement plus engageant que les petits plats en équilibre de Laurent Mariotte.

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