Meurtre dans un jardin anglais
The Auteurs After murder park (1996, Hut)
Après le coup de maître New wave, Luke Haines ne tarda pas à remettre son ouvrage sur le métier, faisant paraître dès 1994 un deuxième album des Auteurs, Now I’m a cowboy. Si ce disque permit au groupe de décrocher un succès d’estime avec l’entêtant Lenny Valentino, les Auteurs demeuraient encore à distance des feux de la célébrité. Deux ans plus tard, Haines décidait de confier la production du troisième opus des Auteurs au célébré Steve Albini, plutôt habitué à travailler avec des groupes hardcore mais ayant déjà œuvré auprès de gens aussi recommandables que les Pixies ou PJ Harvey.
Sur ce After murder park, et comme on pouvait s’y attendre connaissant le CV du bonhomme, Albini va chercher à durcir le son du groupe, souhaitant qu’il se rapproche de ses rugueuses prestations scéniques. Les guitares se font ici plus lourdes, la voix de Haines prend une tonalité résolument agressive et ses textes continuent d’explorer les noirceurs de l’âme humaine, dépeignant des situations allant du mariage forcé au meurtre d’enfant (rien de moins…). Nul doute que After murder park est le disque le plus teigneux offert par le groupe jusqu’à lors… Outre l’influence corrosive d’Albini, Luke Haines composa la majeure partie des titres de l’album dans une chaise roulante, après s’être brisé les deux chevilles en sautant d’un mur pour mettre un terme à une tournée qu’il ne supportait plus et toucher l’argent de l’assurance. Déjà peu réputé pour son aménité, on imagine que l’état d’esprit de Haines n’était alors guère porté à la rigolade.
Même si les Auteurs ne croisent plus dans les eaux miraculeuses de leur premier opus, After murder park demeure un disque réussi. Les guitares continuent de porter haut la plupart des morceaux, et parviennent à passer en force pour nous faire aimer les fulminants Light aircraft on fire ou Land lovers. En songwriter avisé, Haines ne se contente cependant pas de ces démonstrations de fougue à la limite de la lourdeur, plaçant ici ou là des trésors de délicatesse comme Child brides ou l’extraordinaire Unsolved child murder, ritournelle d’une noirceur infinie traitant d’un crime sordide dans un écrin d’une finesse exquise. Haines navigue ainsi entre la rage froide de Buddha et la légèreté de After murder park, cachant ses idées noires tantôt derrière un fumet bouillonnant de guitares en fusion, (Married to a lazy lover) tantôt derrière des arpèges gracieux et subtils parfumés de notes de violoncelle ou de trompette (Fear of flying). Sur New brat in town, c’est un clavier mauvais qui vient faire sourdre une menace lourde comme sur certains titres de Nick Cave.
Comme les albums précédents du groupe, After murder park ne rencontra qu’un accueil mesuré auprès du public. Haines mit alors le groupe entre parenthèses, le temps de se consacrer à différents projets parallèles avec notamment le génial premier album de Black Box Recorder en 1998. Les Auteurs furent réanimés en 1999 pour un ultime album intitulé How I learned to love the bootboys (que je ne connais pas). Luke Haines a publié en solo depuis le début de ce siècle quatre ou cinq albums dont j’avoue ne rien connaître. Il vient de se faire remarquer très récemment en publiant 50 (!) albums en une seule journée…
2 réponses
[…] un très estimable bien qu’inégal After murder park (1996), Luke Haines plaçait ses Auteurs entre parenthèses pour mettre sur pied Black Box […]
[…] proportions gardées – avec l’abrasif « Lenny Valentino »), puis le plus nerveux After murder park en 1996. Luke Haines se consacrera ensuite à plusieurs projets parallèles et notamment en 1998 […]