Instant street par dEUS, sur l’album The ideal crash (1999, Universal)
L’amour et la violence, le titre de cette (formidable) chanson de Sébastien Tellier collerait assez bien pour décrire tout ce qu’on trouve dans cet incomparable morceau, figure de proue de la discographie du groupe et sommet du fantastique troisième opus des Anversois, The ideal crash.
Instant street prend d’abord les traits d’une ballade douce-amère qui semble raconter la lente décomposition d’une relation amoureuse. Les sentiments sont peut-être encore là mais trop d’accrocs et de douleurs paraissent avoir eu raison de la résistance du protagoniste de la chanson (This pain in my side, I had enough) et le départ s’impose, malgré l’amertume et les regrets : It wouldn’t be true, not towards you, to say that I’m staying. Le morceau s’ouvre avec une ligne de banjo qui revient comme un gimmick et qui introduit une mélodie aux faux airs de rumba. L’ensemble déroule une forme de spleen raffiné avant qu’un parterre de cordes ne vienne ajouter une aura de superbe supplémentaire, tapis volant qui commence à transporter la chanson vers des cimes éminentes. Celle-ci déploie ainsi son élégante mélancolie jusqu’à 3’30 avant de se métamorphoser sous nos yeux en toute autre chose. Le morceau change en effet de direction avec l’entrée en scène d’un riff de guitare intense, puis la batterie et une autre guitare apparaissent à leur tour pour faire progressivement monter la température en flèche. Tout l’édifice de la chanson se met à trembler et à fumer, machine pétaradante qui entre en fusion pour décoller à la verticale tandis que ses rivets et jointures semblent sur le point de se disloquer. Cette coda fascinante demeure un inépuisable gisement d’émotions fortes, parvenant à me provoquer la chair de poule quasiment à chaque écoute.
Instant street deviendra au fil du temps un incontournable des concerts du groupe, attendue par les fans pour communier ensemble dans une explosion de décibels roborative. Elle constitue le point d’orgue d’un disque magistral, dont les beautés fauves n’ont pas pris une ride depuis la fin du XXe siècle. J’aurais pu mettre le clip très réussi réalisé pour le morceau mais la version edit a honteusement amputé la fabuleuse partie finale, donc il vous faut absolument écouter la version figurant sur l’album.