21/250. Into dust

Into dust par Mazzy Star, sur l’album So tonight that I might see (1993, Capitol Records)

Une voix pure qui brille au plus profond de l’obscurité, une guitare acoustique qui dévide une série d’accords à la beauté flottante, un violoncelle désolé qui paraît résonner dans un halo de solitude. Il n’en faut pas plus pour donner forme à une des plus belles chansons qui soit, facette d’un noir éclatant de cet inépuisable So tonight that I might see du groupe de San Francisco.

Into dust cristallise dans une sorte de parfait équilibre le mystère et le silence, deux ingrédients de choix pour bâtir les grandes chansons. La production impeccable de Dave Roback crée une bulle de nuit d’où s’échappe le chant hypnotique de la fascinante Hope Sandoval, et l’ensemble diffuse comme une brume qui impose un silence quasi-religieux. Ce silence sinue et se réverbère dans l’air alentour jusqu’à tout faire vibrer.

De la voix d’Hope Sandoval émane une sorte de mélancolie blanche, une peine d’après les larmes, emplie de renoncement. Tout doit disparaître et tout retournera à la poussière : I could feel my eyes turning into dust. Quand elle prononce le mot dust, Hope Sandoval marque à peine le t final, comme si son chant lui-même commençait à s’effacer. Et l’auditeur, charmé par cette complainte de sirène impavide, se retrouve entraîné par le fond, ces merveilleux abysses où sa volonté semble se dissoudre peu à peu, pour retourner aussi à la poussière. Captivant paradoxe de cette chanson immense que celui de nous rendre la solitude accueillante, de nous livrer à l’étonnant confort de cet atmosphère de sépulcre. Il ne reste plus qu’à s’enfoncer dans la nuit et disparaître : I could possibly be fading.

Il n’est pas impossible qu’on retrouve Mazzy Star dans ces pages. Pour l’anecdote, parmi les nombreux hommages recueillis par le groupe au fil des années, on retiendra celui inattendu des Red Hot Chili Peppers sur un titre à des années-lumière de la grâce « mazzyesque », Aeroplane : Sitting in my kitchen, hey girl / I’m turning into dust again / My melancholy baby / The star of Mazzy must / Push her voice inside of me. Même les surfeurs californiens cèdent à la force d’attraction de l’astre Mazzy Star.

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