20/250. Clear spot

Clear spot par The Pernice Brothers, sur l’album Overcome by happiness (1998, Sub Pop)

Ce n’est pas rien de pouvoir dire beaucoup avec peu, et les grandes chansons pop sont souvent celles capables de faire passer les plus vives émotions dans un bref laps de temps. A cette aune, nul doute que Clear spot relève de cette catégorie.

Depuis le début des années 1990, Joe Pernice a semé derrière lui mille beautés sous ses multiples identités, ces Scud Mountain Boys, Chappaquiddick Skyline et autres Pernice Brothers. Avec ces derniers, le bonhomme laisse libre court à ses penchants les plus pop, mais une pop grand format nourrie aux chansons majestueuses de Brian Wilson ou Harry Nilsson, entre mélodies impeccables, instrumentations recherchées et mélancolie à fleur d’harmonies. Overcome by happiness, premier album des Pernice Brothers, regorge ainsi de morceaux de haut vol, avec pour fleuron ce petit bijou qu’est Clear spot.

En un peu plus de deux minutes, Clear spot déploie autant de lumière que d’amertume, exposant en plein soleil d’imposantes fêlures qui menacent à chaque instant de faire crouler l’ensemble. Le chant (magnifiquement) voilé de Joe Pernice semble ainsi toujours sur le point de se briser, et la posture bravache qu’il affecte d’afficher (I feel better now you’re gone) peine à dissimuler l’amertume et les sanglots. Musicalement, un motif de piano entraînant s’enroule autour d’une ligne de basse limpide tandis que la guitare électrique place quelques accords éclatants. L’ensemble dessine un tracé presque bucolique, au fil duquel les refrains constituent autant de paliers ascensionnels, pour culminer dans une coda électrique bordée de chœurs angéliques. Et, tout du long, le chant de Joe Pernice apparaît aussi sonné qu’ébloui. Clear spot semble se situer là, au bord de l’aphasie, sur cette ligne de crête où l’on sait que quelques mots de plus sortiraient étouffés par les larmes. Sometimes I don’t feel like talking at all… Quand la parole ne dit plus rien, reste la musique.

On retrouvera sans doute d’autres incarnations de la musique de Joe Pernice au fil de cette sélection. Le dernier album en date du groupe, ce Who will you believe paru l’an dernier, démontre que le bonhomme reste capable de petits miracles. Aux sceptiques, on recommandera l’écoute du fabuleux December in her eyes, qui figurera sans doute dans un florilège des meilleures chansons de la décennie.

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